Savoir collectionner les minéraux : Différence entre versions
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Version actuelle datée du 20 janvier 2021 à 14:51
Savoir collectionner les minéraux, pour une collection
de minéraux raisonnée et raisonnable
Par Jean-Marie PENDEVILLE
QUELQUES PRELIMINAIRES
A ceux qui douteraient que la constitution d'une bonne collection de minéraux soit encore possible aujourd'hui, je dirais qu'ils se trompent mais qu'en effet, cela représente beaucoup de difficultés et de pièges, et que les efforts à fournir doivent être à la mesure des ambitions. Une bonne et belle collection ne se conçoit que dans la durée. Elle doit être raisonnée et maîtrisée, à partir d'un objectif précis. Elle mobilise énormément de courage et de patience. Et, surtout, elle ne peut prospérer qu'en s'appuyant sur des connaissances de plus en plus affinées. Il est évident que, la plupart du temps, elle commence à l'aveuglette, impliquant des erreurs de jugement, des emballements immotivés ou même de grotesques naïvetés. Mais ses débuts doivent être regardés comme une maladie de jeunesse. Le plus vite possible, le jeune collectionneur doit faire intervenir son esprit critique et reconnaître qu'il doit sélectionner ses échantillons plutôt que les accumuler.
Qu'il conserve avec émotion ses premières pierres, cela est tout à fait concevable, mais qu'il se garde ensuite de la noyer dans une caillasse sans intérêt et sans valeur !
J'ai vu, hélas ! Trop souvent d'importantes collections, fruits d'années et d'années de récoltes, d'échanges ou d'achats, ayant englouti tellement de temps, d'efforts et d'argent et qui, un jour, se révélaient pour ce qu'elles étaient : dérisoires. Exactement, elles n'étaient plus qu'un bric-à-brac dont nul héritier, nul marchand, nul musée même ne voulaient, ne savaient que faire. Vouées quasiment à une liquidation de brocante.
Il est évident que tout apprentissage implique que l'on se fourvoie mais il serait grave que les tâtonnements du jeune collectionneur ne soient pas jalonnés très vite de progrès successifs. Certes les désillusions, les gaspillages d'énergie, les frais inutiles, les méchantes tractations peuvent être admises comme inéluctables sur le parcours de combattant qu'est la genèse d'une collection, mais il faut se convaincre qu'on peut très vite s'en prémunir ou, du moins, les atténuer, les raréfier à partir d'un savoir essentiel.
Ce savoir, ce viatique du collectionneur lucide, n'est pas nécessairement, contrairement à ce qu'on pourrait croire, communiqué par les livres spécialisés. Les manuels de minéralogie présentent des connaissances scientifiques indispensables, mais ils font fi de tout conseil pratique et de prudence pour l'élaboration d'une collection, J'ai fonctionné trop longtemps moi-même, sur base de données livresques m'acharnant à acquérir tel ou tel minéral de bonne mine aperçu dans un bouquin, pour ignorer les méprises que cela entraîne. Un courtier de mes amis, à ma requête, me fournissait le minéral désiré, commandé comme à partir du Catalogue des 3 Suisses, et je ne gardais finalement qu'une pierre morne, sans valeur marchande ni esthétique. Qui était dite rare, et alors ? La belle affaire ! Une pierre de plus. Un poids mort ! Une pierre incrustée comme un parasite dans ma collection, que personne d'autre ne désirerait jamais.
Au-delà (ou plutôt, avant et au-dessus) des données livresques sur les minéraux, sur leurs caractéristiques et gisements, données indispensables, certes, mais insuffisantes pour guider le collectionneur néophyte, il y a quelques règles d'or trop souvent ignorées ou négligées :
- une bonne collection est celle qui privilégie l'aspect esthétique des espèces minérales. Elle est source sans cesse renouvelée de plaisir et de fierté, - une bonne collection est celle qui, composée par un oeil de mieux en mieux exercé à reconnaître la beauté, présente un ensemble sous-tendu par une idée directrice. Une idée au moins,
- une bonne collection reste ouverte, perfectible, vivante, acquise au principe des améliorations possibles, tendue vers des idéaux de perfection,
- une bonne collection allie toujours ou, plutôt, s'efforce de cumuler les concepts de beauté et de rareté. Pour se donner l'air sérieux (c'est une coquetterie qu'on lui pardonne et qui ne manque pas de piquant), elle ne dédaigne pas de flirter un peu avec l'étrangeté (l'inclusion, la pseudomorphose, la macle, la fluorescence,...),
- une bonne collection enfin - il faut y revenir - est une longue, longue somme d'efforts qui se sont concrétisés par un nombre limité d'échantillons impeccables (la qualité supplantant toujours la quantité).
Ces règles, bien évidemment, demandent à être explicitées et démontrées par des exemples précis car il est évident que le modèle est source d'émulation. Admirer ce qui existe dans un musée, dans une collection estimable, publique ou privée, ne peut que susciter une envie d'imitation et de dépassement de soi.
En ce sens également, la fréquentation de collectionneurs avertis ou l'adhésion à un club minéralogique sérieux ne peuvent être que bénéfiques. La valeur exemplative de ceux qui ont déjà déjoué les pièges de la minéralogie balbutiante stimule les vertus indispensables à tout progrès : la persévérance et la débrouillardise.
Il faut savoir ce à quoi l'on peut prétendre et se dire à partir de ce que l'on voit : si d'autres l'ont fait, pourquoi pas moi ? Sans doute inutiles, sans frilosité, avec enthousiasme. Ici, à ce stade de l'exhortation, je sais qu'on pourrait me reprocher un excès d'optimisme. J'entends certains m'objecter qu'une bonne collection est aussi (et peut-être avant tout) tributaire de conditions particulières, tel l'endroit où l'on collectionne, tel le pouvoir d'achat. Oui, certains facteurs facilitent considérablement les choses. On ne pourra espérer assembler une grande collection de gemmes si l'on ne dispose pas de gros moyens financiers. On ne pourra constituer un très large ensemble de minéraux typiques d'un pays ou d'un gîte déterminé que si l'on y a vécu. Et si certains exemples frappants nient cette fatalité (Je connais deux collectionneurs belges, l'un de Liège, l'autre de Vilvorde n'ayant jamais mis les pieds hors de Belgique et qui pourtant ont d'excellentes collections de minéraux du Congo-Zaire ; leur acharnement a suppléé à leur handicap), j'en conviens, de façon quasi générale, il paraît normal d'avoir les moyens de ses prétentions. Cela tombe sous le sens.
Mais... d'autre part... trop limiter ses rêves serait bien triste chose. L'âme d'une collection est le rêve, et peut-être même le rêve fou. C'est lui qui transcende la possession mesquine, la fatuité stupide, le stockage étiqueté et poussiéreux. Sans lui, une collection se figerait très vite, éteindrait très vite ses couleurs pour mourir de sa belle mort.
Une collection repart, se revivifie sans cesse par de nouvelles espérances. Pourquoi la prochaine pierre ne serait-elle pas la plus précieuse, la mieux aimée ? S'il est pertinent, ainsi que reconnu tout à l'heure, de raisonner une collection quant à ses paramètres, il n'en est pas moins aberrant de croire qu'elle est irrémédiablement conditionnée par des facteurs logiques. Ainsi a-t-on vu des gisements prétendument épuisés, enfanter à nouveau des merveilles. Ainsi a-t-on pu découvrir au sein du lot quelconque d'un dealer grossiste, une beauté cachée, un "sleeper" ainsi que l'appellent les spécialistes.
Le hasard se force, le miracle existe et la foi (de son autre nom, le rêve agissant) transporte les montagnes. Les montagnes où dorment les pierres, dans leurs profondeurs secrètes.
QUELQUES TYPES DE COLLECTIONS
1. La collection la plus courante - et certainement pas la moins respectable - est dite LOCALE. autrement dit constituée par les échantillons issus de l'espace proche, de la région ou du pays du collectionneur (qu'ils soient acquis par des prospections personnelles ou par d'autres voies). Elle peut être centrée sur une région ou un pays étranger (le Katanga, les Alpes, le Laurium en Grèce, le Mont Saint-Hilaire au Canada, etc…) ou encore sur une mine ou un gîte particulier (Salsigne en France, Tsumeb en Namibie, Shinkolobwe au Congo, Clara en Allemagne, etc..).
2. Un peu plus pointue est la collection THEMATIQUE, constituée de minéraux représentatifs d'une espèce : calcite, quartz, fluorine, barytine, etc. avec ou sans restrictions d'origines. Ou d'un élément déterminé : le cuivre, le manganèse, l'or, pour ne citer que trois ressources très satisfaisantes.
- Ou d'une classe : les silicates, les carbonates, les zéolites,...
- Ou d'un type très particulier : les minéraux fluorescents ou radioactifs.
- Plus pointue encore, la collection de minéraux se distinguant par des formes cristallographiques spéciales comme la macle ou la pseudomorphose.
Ces diverses catégories relèvent de ce qui est appelé la SYSTEMATIQUE.
On dira donc par exemple que "l'on fait une systématique du cuivre" ou "une systématique de la fluorite".
A réserver ses efforts à ce type de collections, on devient facilement un spécialiste avec ce que cela sous-entend de satisfactions dans le domaine de l'initiation et avec tout le plaisir possible à partager dans le sous-groupe qui vit la même passion.
3. Dans le même ordre d'idées, citons la collection de SYSTEMATIQUE GENERALE qui vise à rassembler le maximum d'échantillons d'espèces minérales différentes.
Sur environ 4000 espèces actuellement recensées, seules quelques personnes de par le monde se targuent d'avoir pu recueillir plus de 2000 espèces. Il faut reconnaître que cette manière de concevoir la collection relève de la boulimie et l'on pourra certainement préférer se choisir gastronome.
Une collection générale a un caractère monstrueux et décevant car, obligatoirement, elle doit presque toujours faire abstraction du critère esthétique, les minéraux agréables à l'œil étant en nombre restreint (300 tout au plus, paraît-il) ou ne pouvant être acquis sous leur plus belle forme, trop coûteuse. J'ai vu, une seule fois, une collection de cette sorte. Elle remplissait une maison du hall d'entrée aux divers étages. Elle était sans attrait. Elle a coûté fort cher. Ainsi trois poils d'un minéral signalé à trois exemplaires et venu du bout du monde valaient-ils une petite fortune.
Cette collection ancienne a eu une triste fin. Dispersée après tant d'efforts, désagrégée, elle est allée perdre son identité dans une multitude de petites collections tandis que sa part la plus précieuse s'en allait reposer à jamais au fin fond d'un musée - aux oubliettes. Vanitas vanitatum !
4. Si l'on veut se distinguer, il est des moyens plus sages. Les collections originales ne manquent pas :
- la collection de METEORITES (à la mode mais coûteuse),
- la collection de SABLES du monde entier dont la dose "officielle" ou étalon équivaut 30-32 cm3, ce qui peut être contenu dans un tube plastique pour pellicule photographique. Leur variété de couleurs et de compositions minérales est infinie. Les collectionneurs de sables sont appelés "psammophiles" du grec psammos : sable et philos : ami. Ils ne sont pas si rares qu'on le croirait, puisqu'une société, qui a son propre journal, en regroupe 123 répartis dans 15 pays. <br
Libre à vous de trouver d'autres voies, mais sachez qu'il existe encore la collection qui met en parallèle les minéraux et leurs métaux, ou les gemmes brutes puis taillées. Vous pourriez même cantonner votre collection dans une couleur déterminée.
La dernière bourse de Munich (1998) a imaginé un show-exhibit sur les minéraux rouges, exclusivement ! Proustites, kammérérites, rhodochrosites, cobaltocalcites, érythrites, rubellites, etc...
5. J'arrive enfin à la collection CLASSIQUE en ses diverses variantes :
- celle de base, conçue par un bon collectionneur liégeois et telle que je l'ai retrouvée proposée dans un ancien bulletin de l'AGAB (Association des géologues amateurs de Belgique), se limite à une centaine de minéraux représentatifs des principales espèces, esthétiques, de prix abordable et qu'il est relativement aisé de rencontrer en bourse. Elle peut constituer un excellent noyau de départ ou un ensemble clos perfectible,
- celle plus large, plus libre, c'est-à-dire davantage soumise à l'éclectisme personnel, compte un nombre très variable d'échantillons et est donc plus composite. Elle peut s'avérer banale, estimable ou prestigieuse. Chacune reflète le savoir-faire ou la personnalité de son maître d'œuvre. Il n'en est pas deux semblables. Pour être remarquable, elle se doit d'être élaborée selon 3 critères qui tentent de se conjuguer : beauté, perfection cristalline, rareté. (Nous reviendrons plus tard sur ces concepts).
- Celle qui est faite de petits ou très petits échantillons (dits "miniatures" ou "micromounts") réduit considérablement les problèmes de stockage et de coût d'approvisionnement (pour parler laidement en termes de marketing!). Ces échantillons, sélectionnés surtout pour leur qualité cristallographique, sont généralement rassemblés aussi d'après une idée directrice, dans la perspective systématique ou locale. On peut les trouver par prospections personnelles, dans les bourses d'échanges ou dans les bourses classiques, à des prix plus ou moins décents selon leur degré de rareté. Nous avons là la collection classique qui rencontre le plus de succès.
Trois types de collections me semblent plus spécialement recommandables, soit :
a. la collection locale qui procure au collectionneur le plaisir intense et toujours répété de chercher et récolter lui-même ses propres échantillons, d'être ainsi, en quelque sorte, l'inventeur de sa collection tout en accomplissant une activité "sportive" autant qu'intellectuelle,
b. la collection axée sur un type ou une classe de minéraux qui permet de pénétrer et maîtriser un aspect limité de la minéralogie en procurant les satisfactions de la spécialisation,
c. la collection de petits échantillons, plus facile, moins onéreuse, plus pratique pour le rangement. Par parenthèse, je reviens plus précisément sur les quatre dimensions-types de minéraux, codifiées par les Américains.
1. les "cabinets pieces" ou pièces de vitrine d'exposition, grosses comme un ou deux poings ou plus volumineuses encore,
2. les "miniatures" ou pièces de 4 ou 5 ou 7 cm de côté en moyenne,
3. les "thumbnails" (de l'anglais "ongle du pouce") qui doivent tenir dans un cube d'un pouce de côté (2,5 cm) et dont les critères de sélection sont extrêmement rigoureux. Beaucoup de collections de thumbnails, outre-Atlantique, ne comportent qu'un nombre fini d'échantillons, cent par exemple,
4. les "micromounts" (ou micromontures) qui, souvent sont infimes. Montés sur une aiguille dans une petite boîte en plastique ou en carton, ils sont destinés à être examinés à la loupe binoculaire.
Une collection de prestige ne devrait sans doute négliger aucune de ces catégories mais, raisonnablement, il apparaît que seuls les échantillons de petite taille (2, 3 et 4) peuvent être à la portée de la plupart des collectionneurs. Les problèmes d'encombrement et l'augmentation incessante du prix des minéraux ont conduit les collectionneurs yankees eux-mêmes à limiter leurs prétentions. Là-bas aussi les meilleures "cabinets pieces" ne sont plus accessibles qu'aux amateurs très fortunés ou aux musées.
Les "cabinets pieces", certes, sont toujours les bienvenues car elles étonnent et semblent exceptionnelles mais il serait faux d'estimer qu'elles sont nécessairement spectaculaires. Certaines petites cristallisations ne sont pas plus appréciables parce qu'elles se trouvent sur de grandes plages. En maintes occasions, une pièce réduite (10 centimètres sur 10 centimètres par exemple) mettra autant en valeur la cristallisation qu'une pièce de grande taille (30 centimètres de côté). En débutant, j'ai beaucoup trop privilégié les gros échantillons, le critère dimension l'emportait sur le critère qualité, notamment en fin d'expédition minéralogique au Congo - Zaire, lorsque le moment était venu de partager à 2 ou 3 la récolte du jour. Précipitation goulue et imbécile dont je me suis vite guéri, heureusement!
Pour ce qui regarde l'organisation d'une collection - je veux dire la présentation des pièces en vitrine - j'incline à penser que le calibrage, c'est-à-dire le choix plus ou moins constant d'échantillons de 7 à 10 cm de côté est le plus séduisant. Toutefois, la présence de quelques gros échantillons pourrait judicieusement rompre la monotonie de l'exposition.
QU'EST-CE QU'UN BON SPECIMEN ?
Beaucoup s'obstinent à croire qu'un bon échantillon ne peut être défini selon des règles. La valeur d'une pierre relèverait essentiellement de la subjectivité personnelle. Rien de plus contestable ! Les collectionneurs sérieux s'accordent à reconnaître qu'un bon échantillon s'évalue selon des critères précis. Critères que les Américains, maîtres en la matière, n'ont pas manqué de codifier. La subjectivité ne jouerait qu'au moment où, à valeurs plus ou moins égales, les pièces sélectionnées doivent être départagées.
Quels sont ces critères ?
Le bon sens aussi bien que des aptitudes esthétiques innées les définissent aisément :
1. L'allure générale.
Un bon échantillon frappe d'abord par son aspect global, captant l'attention et éveillant l'intérêt. Une belle personne séduit d'abord par sa silhouette, avant que l'on ne s'attarde sur ses proportions ou ses traits.
Dans un lot, presque d'emblée, les pièces les plus intéressantes s'imposent au regard. Mais, à ce stade déjà, une première erreur peut être commise : croire que les pièces volumineuses sont le plus dignes d'intérêt, comme si la séduction était affaire de volume.
Le collectionneur averti évite d'instinct cette tentation, si grossière, mais si puissante pour le débutant, et il va droit à l'échantillon qui mérite le plus de considération, indépendamment de sa taille.
Ce qui revient à dire qu'il ne peut y avoir de confusion entre taille et allure générale. Les connaisseurs préfèrent, en général, les minéraux plus petits et plus en accord avec d'autres critères.
2. Le relief
Par relief, il faut entendre présence du minéral sur sa gangue. Celui-ci, juché sur une base constituée de roche ou d'un autre minéral, présente en quelque sorte une composition sculpturale. Cette composition est d'autant plus appréciée qu'elle est harmonieuse sous plusieurs angles et qu'on peut l'admirer ainsi qu'une œuvre d'art autour de laquelle on évoluerait.
Un minéral, en cristaux automorphes ou non, peut tout simplement former une plage plus ou moins plane, de peu de relief, sur ce qui lui sert de support. En ce cas, il est évidemment moins prisé que celui qui présente un "arrangement" spatial. Cela est tellement vrai qu'une supercherie connue, déjà signalée dans plusieurs pays, consiste à unir artificiellement à une roche des cristaux parasites du plus bel effet (béryls ou cristaux de fluorine par exemple). Mais encore faut-il que le cristal ou la masse cristallisée semblant émerger de la gangue soient agréablement accommodés à celle-ci.
Trop ou trop peu de gangue nuiraient à la composition. Donc que "l'arrangement" soit spatial, mais aussi équilibré.
Il y a là "matière" à étude et c'est pourquoi les connaisseurs s'attachent à améliorer leurs spécimens en les trimant ("trimer"), néologisme non reconnu, à partir de l'anglais "to trim" : tailler, arranger. L'excès de roche est coupé à la presse ("le trimer") pour un plus juste rapport entre gangue et minéral.
3. La cristallisation.
La cristallisation, lorsqu'elle est sans dommage (sans casse ni coup), surtout sur les faces de ses terminaisons, apparaît comme le facteur sélectif majeur du minéral de qualité. C'est par ses cristaux qu'un minéral impressionne le plus. Ceux-ci relèvent de la perfection magique. Une puissance obscure, comme gouvernée par un projet d'ordre, de mesure, de clarté et de couleur plaisante, semble les avoir "construits" pour notre seule jouissance.
Le cristal, même isolé, fait penser à un bel objet fini, à une œuvre d'art achevée, parfaitement maîtrisée.
Par les règles géométriques et optiques qui le régissent autant que par les parures de teintes et de lumières qui l'exaltent, le cristal captive tout autant notre rationalité que notre sensibilité. Bref ! Pour sa perfection, sa variété de formes, ses couleurs, il doit être 1'apparat essentiel de toute collection digne de ce nom.
Les maîtresses pièces d'une collection sont, sans conteste, les pièces les mieux cristallisées. Reconnaître une bonne cristallisation demande un certain apprentissage.
Sans vouloir entrer trop vite dans les arcanes de la cristallographie, il convient de savoir, par exemple, que certaines cristallisations sont plus intéressantes que d'autres, que des cristaux clivés ou opaques sont de moindre valeur, que des cristaux détachés plutôt qu'interpénétrés de manière confuse sont plus estimés ou encore que certains d'entre eux sont valorisés par leur provenance. Tout cela s'apprend peu à peu, outre les falsifications et trucs employés pour l'amélioration de cristallisations défectueuses.
4. La couleur.
La couleur est l'attrait le plus voyant d'un spécimen, on s'en doute.
La variété de couleurs des espèces minéralogiques est infinie. De très nombreuses espèces elles-mêmes, telles que l'apatite, le grenat ou la fluorite, pour n'en citer que trois, présentent tout un éventail de teintes.
La couleur, elle aussi, s'apprend. En ses trois composantes essentielles: la teinte, la nuance et l'intensité !
Les teintes les plus vives ou les plus accentuées sont généralement les préférées. Un soufre d'un jaune franc sera préféré à un soufre bitumeux. Une calcite cobaltifère rouge éclipsera une calcite cobaltifère rose. Une pyromorphite vert pomme rencontrera plus de succès qu'une pyromorphite brune.
A limpidité égale, une aigue-marine bleu foncé sera plus disputée qu'une aigue-marine claire. Trois couleurs semblent mal aimées : le noir, le brun et le blanc. Les minéraux de teinte foncée (sphalérite, cassitérite, hétérogénite, etc.) et les minéraux blancs autres que le quartz ou la calcite (creedite, danburite, withérite, colemanite, anhydrite, etc.) ont beaucoup moins de chance de trouver preneur en bourse.
Le phénomène est facilement observable en ce qui concerne les minéraux roumains, volontiers délaissés aujourd'hui sauf par les amateurs d'associations particulières. Leurs teintes sombres de sulfures, à peine allégées par le rose pâle de la rhodochrosite, ne séduisent plus grand monde. "On en a trop vu !" : dit-on. Peut-être ! Mais la vraie raison est qu'elles supportent mal la concurrence de minéraux aux coloris plus vivants.
Et pourtant, il serait stupide de négliger tout à fait ces types de minéraux. Indépendamment de la qualité de leurs cristallisations, ils ont un rôle important à jouer dans une collection. Ils la complètent et, surtout, ils la valorisent par un effet de contraste. A proximité de minéraux de couleurs vives, ils jouent en quelque sorte un rôle de faire-valoir. Ils rompent la monotonie de tons trop appuyés et calment adroitement leur trop grande exubérance. Une collection est aussi un tableau. Dans une vitrine, il faut la composer toute en harmonies et oppositions. On ne sait que trop bien les mérites du quartz ou de la calcite en association avec d'autres minéraux d'une couleur ou d'une forme contrastées. Et les limonites ou goethites brunes ne sont pas moins utiles à présenter comme dans un écrin, les splendides legrandites d'un jaune lumineux ou les millérites dorées et éclatantes. D'ailleurs, sans aller jusqu'à ces considérations, on reconnaîtra, de manière unanime, que les teintes variées des minéraux associés en paragénèses constituent l'ensemble le plus attrayant qui soit. Un exemple parmi cent en fait foi : la fabuleuse combinaison classique d'amazonite verte et de quartz enfumé, l'un des plus curieux groupements minéraux.
5. L'éclat et la transparence.
Ces deux critères, pas nécessairement exigibles conjointement, déterminent la qualité des meilleurs cristaux de collection, outre la couleur et la perfection de la forme. On comprendra donc la rareté, et partant, la valeur des cristaux cumulant autant d'exigences, surtout si l'on attend d'eux, en plus, qu'ils prennent la pose sur une gangue agréable.
Ces cristaux, sauf exception, doivent être recherchés aux niveaux de la miniature, du thumbnail et des micromontures. Il n'est plus possible au collectionneur moyen, dans des conditions normales, d'espérer acquérir des échantillons du type de ceux qu'il voit photographiés dans les revues spécialisées ou qui le font saliver dans les bourses de prestige. En 1973 déjà, un grand collectionneur américain, Peter Bancroft, constatait que les beaux spécimens avaient doublé de prix dans les cinq à dix années qui avaient précédé. Or, c'est dans la décennie qui a suivi que s'est produit le véritable boom minéralogique et que la flambée des prix s'est transformée en incendie.
Ceci dit, on prétendra me surprendre en flagrant délit de contradiction, n'ai-je pas clamé tout à l'heure que toute collection devait se commencer dans l'enthousiasme et, en quelque sorte, comme le chantait Brel, qu'il fallait viser "l'inaccessible étoile" ? Je reste sur mes positions. On ne peut rien entreprendre de valable sans un grain de folie. Les opportunités miraculeuses, les hasards providentiels et, surtout, la prospection personnelle bouleversent agréablement la donne du mercantilisme ambiant et je connais encore, si, si, des marchands de bon goût et de bon conseil qui, par des prix tassés, se font un point d'honneur de participer à la croissance de la collection de leurs amis et clients fidèles.
En tout cas, on ne saurait assez souligner les extraordinaires découvertes qu'offre la loupe binoculaire. La perfection est à la portée de tous, mais elle est lilliputienne.
6. La taille.
En conséquence de ce qui précède on laissera de côté ce critère qui ne peut être retenu que pour les exemplaires de musée. Les musées cherchent de préférence de gros échantillons ou de grands cristaux. A l'occasion, ils organisent même des expositions axées sur le thème des cristaux géants (Le Muséum National d'Histoire Naturelle, à Paris).
L'expérience montre que les grands spécimens parfaits sont rarissimes. Assurément personne ne dédaignerait de posséder le cristal d'azurite de 18 sur 9 centimètres de la Smithsonian Institution (Washington) ou la tourmaline rose de Keith Proctor, la fabuleuse "Rose d'Itatiaia" (Minas Gerais, Brésil) mais, tout compte fait, les pièces plus modestes, pour peu qu'on les ait désirées et méritées, sont d'aussi bonne compagnie.
Une nuance s'impose cependant, car tout est relatif ! Pour ces pièces plus modestes, les cristaux peuvent aussi varier de taille. Il va de soi que, même dans un ordre de grandeur différent, il faut distinguer ce qui est centimétrique et sub-centimétrique. La valeur des cristaux de chalcosine, cornétite, carrollite ou cuprite, par exemple, se joue au millimètre, en sus, bien sûr ! de leur perfection et de leur état de fraîcheur.
Voilà pour les critères principaux : présentation générale, position sur la gangue, perfection de la cristallisation, couleur, éclat, transparence et taille éventuellement. Le critère "rareté" pourrait être pris en compte également bien qu'il intéresse davantage les scientifiques. Pour ma part, je m'efforce de l'intégrer dans les paramètres de mes choix. Pour peu qu'elles aient un aspect avenant, l'une ou l'autre espèce rare sont toujours les bienvenues dans une collection. Sans aller jusqu'à dire qu'elles sont là pour l'épate, elles contribuent à atténuer la frivolité de pièces trop classiques ou trop chatoyantes.
Une collection bien équilibrée devrait, à mes yeux, séduire par la beauté autant que par l'intérêt des spécimens qu'elle rassemble. C'est pourquoi les pièces anciennes de gisements épuisés ou de mines fermées sont tellement prisées, et plus encore lorsqu'elles sont authentifiées par les étiquettes d'origine. Le vieux Tsumeb, le vieux Chessy, le vieux Shinko (Shinkolobwe) sont toujours recherchés avec avidité. Il est vrai aussi que ces gisements ont fourni des pièces uniques.
Face à ces données que l'on hiérarchisera à sa guise, et que l'on retiendra en tout ou en partie, il reste à se forger une opinion personnelle face à l'échantillon tentateur. Mérite-t-il l'acquisition ? Ses qualités sont-elles suffisamment nombreuses ? Ses défauts sont-ils négligeables ? Son rapport qualité/prix est-il équilibré ? L'achat est-il indispensable, aussi indispensable qu'il voudrait le laisser paraître ?
Jeune ou vieux collectionneur, on reste toujours confronté d'une certaine façon à un tel dilemme. L'expérience a appris à redouter les coups de foudre injustifiés mais aussi à obéir parfois à son instinct. C'est dire qu'en toutes occasions, les risques d'erreurs sont grands. Pour s'en prémunir au maximum, quelques règles peuvent être regardées comme d'assez solides garde-fous :
- d'une manière générale, toute précipitation est dangereuse. Le flash causé par un échantillon n'est valable que s'il est conditionné par une longue et solide information préalable,
- il ne suffit pas de savoir que, par exemple, une anglésite ou une dioptase sont des espèces intéressantes pour se précipiter sur la première anglésite ou dioptase rencontrée. C'est après avoir pu comparer un large échantillonnage d'anglésites ou de dioptases, au hasard de bourses, de visites de collections (publiques ou privées) ou à partir de l'iconographie spécialisée qu'on pourra estimer, "situer" la qualité réelle de l'échantillon convoité,
- rien de tel que d'en référer toujours à l'avis éclairé d'un ou de plusieurs collectionneurs de vieille date, vieux briscards honnêtes ayant beaucoup vu, beaucoup lu, beaucoup appris au long d'une passion minéralogique jamais amortie. Mais, parfois, le conseil d'un ami sensé suffit à dissiper la plus grossière des illusions.
Jamais, en tout cas, il ne faut accorder de crédit inconditionnel à un marchand inconnu. Juge et partie, il ne peut que recommander les échantillons qu'il propose, gratin ou camelote. Quant aux autres, ceux que l'on connaît, il en est de toutes sortes : honnêtes, qualifiés, ignares ou esbroufeurs ! Les meilleurs fournisseurs de minéraux, se revendiquant du titre de "courtier" ou "négociant" plutôt que de "marchand", ont une clientèle internationale de grand standing. Ils s'approvisionnent directement auprès de propriétaires de mines ou pratiquent des échanges avec les conservateurs de musées. Les plus efficaces d'entre eux connaissent chaque grande collection privée et guettent le moment où elles seront à vendre en tout ou en partie. Au courant des desiderata de leurs clients privilégiés, ils sont toujours en mesure de les contenter un jour ou l'autre. Inutile de préciser qu'ils forment une compagnie d'initiés et que pour bénéficier de leurs services, il faut du répondant.
La longue et solide information minéralogique à laquelle il a été fait allusion, préalable à toute velléité d'achat, implique également les connaissances ayant trait à la présentation et à l'aspect naturel des échantillons mis en vente, de même qu'à leurs conditions de conservation. Certains minéraux sont polis, huilés, recollés, chauffés, irradiés, consolidés, etc… tandis que d'autres sont condamnés à ternir, à noircir, à s'opacifier, à se désagréger au contact de l'air ou de la lumière. Des minéraux dits hygroscopiques ou photosensibles (vivianite, marcasite, cinabre, réalgar, voltaïte,…) sont couramment vendus sans qu'il soit précisé quoi que ce soit sur leur fragilité.
Un superbe et coûteux échantillon peut être voué à une fatale et irrémédiable dégradation. En ce domaine également, il ne faut pas craindre de requérir l'avis de personnes plus averties. On ne saurait assez se méfier.
Un truc simple est souvent donné à ceux qui ont l'enthousiasme trop prompt à l'achat. Prendre une option sur une pierre séductrice, demander un délai de réflexion d'une heure permet de prendre du recul et de se laisser refroidir le sang. Le temps est un maître de grand secours. Il conforte l'enthousiasme ou il dessille les yeux.
Le meilleur test qui garantisse la validité de l'achat d'une pierre est de reconsidérer celle-ci le lendemain de son acquisition. Qu'elle plaise encore autant, et on pourra la reconnaître bonne ! Qu'elle plaise moins, et les regrets iront croissants !
En tout cas - il faut s'y résigner - une vie de collectionneur ne peut être un parcours sans faute. L'expérience (comme l'écrit un auteur) est le nom dont les hommes baptisent leurs erreurs.
Souvent les anciens confient que leurs collections sont surchargées de pièces inutiles. Ils n'ont fait que subir la fatalité commune des débuts de collection, qui est d'agir avec précipitation et sans discernement. "Si c'était à refaire, disent-ils, je ferais preuve de plus d'éclectisme, je me limiterais, je me spécialiserais davantage. Que de rossignols… auxquels je tordrais volontiers le cou !" Ces jérémiades font sourire. Il fallait bien passer par là pour progresser. Avec le recul, j'en arrive à penser que c'est dans la genèse même de la collection que se puise le plaisir le plus vrai. Qu'importent les bavures !
J'ai avancé le cœur battant pour aller de conquêtes en conquêtes, J'ai relancé à chaque fois mes espérances vers de nouvelles élues. Ne fallait-il pas que je me trompe quelquefois ? L'amour fou ne peut se concevoir sans aveuglement. Je me suis bien amusé.
Les faiblesses de ma collection ? J'ai tout loisir encore d'y remédier.
Une collection parfaite serait une collection morte. Une sorte de colombarium devant lequel il ne resterait plus qu'à se recueillir.
Je vais parfaire ce que j'ai entrepris. Je vais bien m'amuser.
SUR LA NOTION DE VALEUR
Si l'on parle de pierres, la notion de valeur demande une mise au point. En effet, entrent en jeu la notion de valeur sentimentale et la notion de valeur dite "vénale", c'est-à-dire de valeur acquise à prix d'argent.
La valeur sentimentale, presque toujours déroutante, est attribuée à la pierre qui a été trouvée et méritée par de pénibles efforts. Une pierre animée et "inventée" grâce à la prospection personnelle garde une valeur noble, pure, inaltérable, car elle est idéalisée par un processus qui serait comme une création, comme une paternité.
La valeur objective et vénale d'une pierre est décidée par le marché spécialisé des bourses de minéraux car les pierres participent d'un vaste commerce, ouvert ou occulte, couvrant à peu près toute la planète. Une pierre achetée reste très souvent une valeur à risque, du type de l'action cotée en bourse. Deux questions viennent à l'esprit.
Primo : " Est-il concevable qu'une collection puisse se constituer sans achats ? "
Secundo : " Est-il possible qu'une pierre issue d'une prospection personnelle ait aussi une valeur marchande ? "
Oui, dans les deux cas.
D'aucuns prétendront fièrement qu'ils se refusent à acheter des pierres. Leur attitude est respectable. Libre à eux de se contenter de leur acquis personnel. Mais ils auront dû très vite définir leurs limites, qui resteront modestes. Toute collection remarquable, tendant à se compléter ou à se parfaire, ne peut échapper à la fatalité des achats et le collectionneur le plus rétif devra concéder que "le marchand de cailloux est un mal nécessaire". Encore convient-il, comme nous le verrons, pour le meilleur profit, de savoir user de ses services.
D'autre part, il n'est pas exclu qu'une trouvaille personnelle ait aussi une valeur intrinsèque et puisse être commercialisée. Le collectionneur normalement constitué ne peut qu'espérer trouver un jour les spécimens esthétiques ou les raretés qui lui permettraient de rentabiliser quelque peu sa passion ou de constituer un capital réservé à l'achat de pierres inaccessibles, sinon dans les circuits commerciaux. Certes, la valeur vénale des minéraux vendus peut être si élevée qu'il est assez rare qu'elle puisse soutenir la comparaison avec celle des minéraux récoltés, mais les prospecteurs amateurs savent que la débrouillardise et l'acharnement accomplissent des prouesses.
L'équilibre recherché entre les pierres personnelles et les pierres du commerce n'est en fin de compte qu'une affaire de degré de prétention et il arrive que des lots tout entiers de pierres de moyenne estime soient troqués en contre-valeur de spécimens individuels, plus convoités.
Oui, les pierres valent de l'argent, n'en déplaise au collectionneur-poète ! et il est de bon aloi que tous les novices en minéralogie le sachent, et le plus précisément possible. Sans aller jusqu'à considérer une collection comme un placement (il existe quelques fortunes plus ou moins secrètes, complètement converties non seulement en gemmes, mais aussi en échantillons minéralogiques), sans aller donc jusqu'à multiplier les achats dispendieux, il ne faut jamais oublier qu'une pierre peut être une bonne affaire, une mauvaise affaire ou ... une simple illusion. Or le commerce des minéraux est continuellement menacé de manipulations.
LE PRIX DES MINERAUX
Sachant que les minéraux ont une valeur vénale, nous serions portés à croire qu'elles sont aisément tarifiables. Tant s'en faut ! Aucun règlement, aucun document ne fixent, ni ne limitent leur prix. Du moins pourrions-nous penser que celui-ci, sans trop d'écarts, est déterminé selon un consensus tacite. Pas davantage ! La commercialisation des minéraux, si longue et tortueuse, est livrée à la plus grande fantaisie et, qui plus est, gangrenée par un mal incurable : la SPECULATION.
Les marchands ont beau jeu de prétexter la raréfaction des pièces de qualité en vertu de l'épuisement des gîtes de production. La vraie raison de l'emballement du marché réside surtout dans l'engouement de la clientèle la plus fortunée.
Aux U.S.A., aux bourses de Tucson et de Denver par exemple, il est banal que des échantillons de qualité soient monnayés en dizaines de milliers de dollars. Et comme l'Amérique donne le ton ("quand l'Amérique prend froid, le monde entier éternue !"), les principales bourses européennes (Munich, Sainte-Marie-aux-Mines, Turin) suivent le mouvement.
Visitez ces bourses et enregistrez les exclamations dépitées des acheteurs potentiels, vous noterez qu'elles vont crescendo d'année en année : "Exagérés !", "Impossibles !", "Déments !" entendrez-vous dire à propos des prix indiqués.
La tendance ne peut être inversée. Le principe est acquis que la minéralogie de qualité s'assimile aux pratiques du marché des œuvres d'art. Il est convenu que tout "produit" de luxe est du domaine du caprice et de la passion et que la passion se refuse toute limite lorsqu'elle s'est fixée un but. Aussi toute démesure ne peut entraîner que des abus.
Si un minéral est jugé très désirable, dans le contexte de la paranoïa mâtinée de snobisme et d'orgueil, rien ne justifie objectivement qu'il vaille 1 000 plutôt que 10 000 dollars.
Si certains tableaux modernes, et affreux (quand on ose le dire !), atteignent des cotes faramineuses, pourquoi certaines pierres exceptionnelles n'atteindraient-elles pas des prix astronomiques, inaccessibles au commun des mortels ? De surcroît, celles-ci sont uniques et inimitables tandis que ceux-là pourraient être copiés.
Il paraît sage d'admettre cette évidence.
Par contre, à juste titre, on s'indignera du phénomène de surenchère mercantile qui, présentement, en droite ligne, contamine le marché des échantillons classiques ou communs.
C'est de ce mal qu'il faut essayer de protéger le jeune collectionneur en le déniaisant, en le conseillant, en l'invitant à la prudence et à la réflexion.
Toute pierre doit être "pensée" selon des critères de qualité, mais aussi en fonction d'une valeur vénale plausible.
SAVOIR COLLECTIONNER, c'est aussi SAVOIR ACHETER "
Le commerce des minéraux est trop souvent livré à l'anarchie. Il est trop facile de prétendre que le marchand est maître de ce qu'il offre et que le chaland est libre ou pas d'acheter ce qui le tente. Dans l'univers naïf et fantasmatique des bourses de province, il est vraiment trop aisé d'abuser de la crédulité du béotien ou de l'amateur débutant, en lui refilant à prix fort des pierres sans valeur. Mais qu'est-ce qu'une pierre sans valeur ?
J'entends déjà qu'on me rétorque que les pierres proposées à la vente ont d'abord été achetées, et qu'elles ne sont pas méprisables puisqu'on les achète à nouveau et qu'on leur trouve de grands attraits. Inépuisables gypses ! Inépuisables sulfures ! Inépuisables zéolites ! Et ces pierres-là, dites-moi ! ne feront-elles pas la fierté de leurs acquéreurs, dans un coin du salon ou du bureau ? Et ne les trouvera-t-on pas remarquables lorsqu'on les découvrira ?
Il y a malentendu.
Les minéraux précités relèvent plus de la décoration que de la collection. Les pierres considérées comme éléments de décoration présentent un intérêt qui se suffit à lui-même, un intérêt qui serait en quelque sorte transitoire.
Les minéraux de collection ont une autre ambition, une ambition de durée. ils s'ajoutent les uns aux autres, au fil des ans, pour composer un ensemble important et qui finit par représenter un capital non négligeable, appelé (c'est la moindre des choses !) à se conserver, ou même, illusoirement ou non, à prospérer. Et, dans cette perspective, il faut mettre en garde ceux qui, par passion ou par étourderie, croiraient que tout achat de pierre est un investissement certifié.
Une pierre sans valeur est une pierre qui, au mieux, ne pourra jamais retrouver sa valeur initiale d'acquisition, au pire, qui n'intéressera plus personne lorsqu'il s'agira de la revendre. De même qu'il existe des collections vouées à l'oubli parce qu'inesthétiques, de même il existe des collections condamnées au dédain pour leur banalité.
Fruits d'achats hasardeux et d'engouements frivoles, elles connaîtront la disgrâce, tôt ou tard. Il n'est pas si rare d'en rencontrer. Tout récemment, un conservateur de musée confiait à ses amis qu'on venait de lui proposer de racheter une collection privée qui avait coûté 100 000 francs, factures à l'appui. Et qui était dérisoire... Imaginez le dépit du propriétaire, un vieux monsieur très distingué ! "Comme les gens se laissent avoir !".
DU BON USAGE DES MARCHANDS
Il en est de toutes sortes : de bons et de meilleurs, de mauvais et de pires. Il en est d'honnêtes et de rusés, de savants et d'ignares. Certains, en hommes de goût, en esthètes presque, se font une joie de présenter un matériel de qualité. D'autres, sans fierté ni scrupules, s'apparentent plus à de petits boutiquiers roublards qu'à de fidèles serviteurs de la Minéralogie.
Il faut apprendre à les connaître quels qu'ils soient. Pour leur collaboration précieuse, pour les recommander ou... les démasquer. Les marchands sérieux révèlent, mettent à portée, redistribuent les trouvailles faites en terres lointaines, trouvailles qui, sans eux, resteraient confidentielles ou inaccessibles.
Leur tâche exige qu'ils soient toujours sur la brèche pour capter la nouveauté, pour choisir les meilleurs échantillons ou même obtenir le monopole d'une belle découverte.
Pour maintenir leur image de marque, ils accomplissent souvent de vrais tours de force, en engageant des fonds importants et en multipliant les déplacements. Ce n'est pas de tout repos. Aussi méritent-ils notre considération.
Ceci dit, je n'en reste pas moins aux côtés du collectionneur débutant pour lui ouvrir les yeux. Par esprit de corps, je veux qu'il apprenne les mécanismes et les roueries du commerce des minéraux. Il les découvrirait lui-même un jour, sans doute. Autant qu'il les pénètre le plus vite possible, avant les dégâts.
Il ne s'agit pas ici de trahir des secrets ainsi qu'un prestidigitateur qui démonterait les trucs de ses semblables. Il s'agit de prévenir toute déconvenue en rappelant, une fois de plus, que la collection de minéraux, pierre après pierre, franc après franc, reste une pratique délicate, tributaire d'une foule d'inconnues et d'aléas.
Rapidement résumées, les quelques considérations ci-après aideront à comprendre ce qui, dans l'ombre, régit le prix des pierres. Par fatalité, par tactique commerciale, pour le profit ou pour la sauvegarde même du commerçant soumis à un approvisionnement difficile.
Ne jamais perdre de vue qu'un minéral est souvent anormalement coûteux parce qu'il a pérégriné chez des marchands successifs, du prospecteur au grossiste au demi-grossiste aux détaillants divers, de moins en moins mobiles et débrouillards ou de plus en plus futés, de continent en continent, de pays en pays, de bourse en bourse… et qu'il est, dès lors, opportun, stratégie contre stratégie, de s'efforcer de remonter une filière d'écoulement pour localiser le fournisseur le plus avantageux, quand cela est possible ! Car les chaînes de distribution sont la plupart du temps extrêmement soudées par des accords de partenariat entre différents dealers. En principe, le marchand écoulant un lot important à un collègue prendra l'engagement de ne pas disséminer ses pièces ou de ne pas en soustraire une partie aux tractations. Les aires de prospection les plus fécondes (au Brésil, en Russie, au Pakistan, en Afghanistan, au Canada, en Afrique du Sud, etc.) sont sous la surveillance constante de puissants dealers drainant à eux toute la production et la réservant à des acheteurs fidélisés.
Sans atteindre le sommet, on peut toujours espérer remonter suffisamment la filière pour réaliser des économies substantielles. Grâce aux confidences des initiés, avec le temps et la notoriété qui s'affirme, on y parvient peu à peu.
Ne jamais perdre de vue que le prix d'un minéral peut varier, dans des proportions étonnantes, d'un marchand à l'autre et d'une bourse à l'autre.
Le marchand a peut-être acheté lui-même, sa marchandise très cher, trop cher, ce qui le condamne à demander des prix élevés.
Il a peut-être aussi consenti des frais énormes : de déplacement, d'hôtel, de location de tables en bourse (le prix du mètre de location oscillant entre 150 et 1 800 francs), ce qui justifie les hausses de prix selon le lieu de vente. Et parce qu'une pierre ne se vend pas comme un hot-dog ou un sachet de frites, n'est-il pas légitime qu'il veuille récupérer au plus vite sa mise de fonds ?
Il n'empêche que certains exagèrent en exploitant la crédulité de leur clientèle. Si bien que tout amateur, impérativement, se doit d'apprendre à connaître la fourchette de prix que tel ou tel minéral peut décemment annoncer.
Toute précipitation à l'achat serait funeste. C'est après avoir longuement "prospecté" les bourses, après avoir observé et comparé les éventaires, après avoir pris conseil, après avoir pris un certain recul, que le collectionneur-acheteur pourra estimer avoir limité les risques d'erreur.
Contre les coups de foudre, il existe une parade facile dont nous avons déjà parlé : l'option d'achat. Il suffit de la demander au vendeur qui l'accepte presque toujours. Celui-ci réserve l'échantillon choisi pour une durée déterminée qui constitue un délai de réflexion. Libre ensuite au demandeur de revenir sur sa décision en levant l'option, ou d'acquérir le minéral.
Chose renversante ! les prix de spécimens de même espèce et de qualité identique peuvent même varier au sein d'une seule bourse selon les exigences, plus ou moins grandes, de ceux qui les proposent. (conséquence obligée de ce qui a déjà été dit : il n'y a pas de barème qui reprenne le tarif des pierres). Toutes les dérives, hélas, peuvent être observées, le toupet face à l'ignorance étant souvent bien payant.
J'ai vu quelques fois, en l'espace d'une heure ou deux, des minéraux qui doublaient, triplaient, quadruplaient leur valeur de départ en passant d'un marchand à l'autre avant de trouver acquéreur. Dans certains cas, en toute innocence, il arrive aussi que le vendeur surestime la valeur de son matériel. Il se sera laissé impressionner par des rumeurs, par des légendes, comme celles qui circulent à propos des minéraux uranifères par exemple. J'ai aperçu plus d'une fois des vandenbrandéites et des cuprosklodowskites massives qui, par ignorance, revendiquaient le prix dévolu à des fourmariérites. J'ai vu aussi des espèces confondues et donc tarifées à la hausse (des aurichalcites prises pour des rosasites, des calcites cobaltifères transmuées en sphaerocobaltites …). Mais cela est une autre histoire.
Ne jamais perdre de vue qu'il n'est pas rare que le prix d'un minéral soit arbitrairement maintenu élevé grâce à l'astuce qui consiste à n'écouler sur le marché qu'une quantité contingentée du dit minéral. Ce qui s'est produit ou se produit encore à partir de stocks habilement "gelés" d'hémimorphite mexicaine, de dioptase congolaise (ex-Congo français), de soufre sicilien ou de rhodochrosite américaine. Contre ces façons d'agir qui font partie d'une tactique de vente, et qui d'ailleurs ne sont connues que de manière très imprécise, par ouï-dire ou de bouche à oreille, il n'y a pas de défense.
A chacun de réagir selon ce qu'il croit bon de faire : acheter ou attendre. Soit dans la conviction d'une opportunité, soit dans l'intuition d'une hâte injustifiée.
On ne peut reprocher cette politique aux commerçants : elle cherche à tirer le meilleur parti des ventes. Un marchand maladroit présenterait sa récolte d'un seul coup, inondant le marché de minéraux qui, par leur nombre, forcément, paraîtraient dévalués.
L'acheteur s'efforcera d'en savoir plus et prendra ses responsabilités.
Ne jamais perdre de vue que le prix élevé d'un minéral peut être justifié par une découverte remarquable et réduite, mais sans garantie; toute dévaluation de la valeur intrinsèque de ce minéral étant possible à partir de découvertes ultérieures, meilleures ou plus abondantes.
Certaines espèces classiques, très estimées, ont vu leur prix chuter au fil des ans par un phénomène de pléthore (la vanadinite, la célestine, la malachite, etc.) Certaines gemmes elles-mêmes ont vu leur valeur sensiblement baisser depuis l'exploitation des gisements du Pakistan, de l'Afghanistan ou de la Tanzanie.
Un bon filon qui produit des espèces appréciées déclenche très vite une exploitation approfondie mobilisant une main-d'œuvre de plus en plus nombreuse et des moyens techniques gigantesques. La constitution de compagnies privées, puissamment autofinancées et opérant sur base de monopoles, est un fait nouveau qui montre les ambitions de la recherche minéralogique moderne, sous-tendue par un marché de plus en plus vaste.
Par conséquent qui pourrait savoir ce que réserve l'avenir ?
Qui oserait prétendre qu'une espèce minérale de top niveau, et donc très chère, ne sera pas détrônée un jour ou l'autre ?
Les vieilles stibines japonaises, les meilleures au monde, se voient menacées par les ambitions des jeunes stibines chinoises qui n'arrêtent pas de grandir.
Et les minéraux rares du vieux Likasi katangais (gerhardtite, likasite, buttgenbachite) auraient, paraît-il, de sérieux outsiders quelque part en Australie.
Toute belle et bonne collection compte toujours son lot de vieilles gloires - passées - datées, supplantées, et qu'il faudra continuer à aimer parce qu'elles brillèrent jadis de tous leurs feux. Après ce panorama, que dirais-je qui soit capable d'atténuer les craintes ou d'empêcher les inhibitions ? Il faut regarder l'achat de pierres comme une sorte de sport intellectuel. Il vise à se jouer des obstacles, il exige l'endurance et le dépassement de soi et il n'est rebuté ni par la longue attente, ni par les chausse-trappes, ni par la déception.
En fin de compte, la découverte du monde des ventes et négociations de minéraux, en ses multiples arcanes, n'est qu'une expérience humaine de plus.
LES BOURSES MINERALOGIQUES
Histoire de détendre l'atmosphère, allons faire une incursion en bourse, dans l'une de ces foires aux cailloux qui fleurissent des deux côtés de l'océan dans les grandes métropoles aussi bien que dans les petites villes de province !
Selon leur implantation, elles ont une vocation mondiale (Tucson, Munich, Sainte-Marie-aux-Mines, Tokyo, Lyon, Liège, Paris, etc.) ou une spécificité locale (Millau, Chamonix, Montigny-le-Tilleul, Saint-Pierre-la-Palud, Turin, Barcelone, Tisnov, etc.). Qui veut voir des minéraux des cinq continents doit fréquenter les premières, qui veut trouver plus spécialement ceux de tel ou tel pays ou région doit visiter les secondes, nous avons l'embarras du choix :
120 bourses sont annoncées par Le Règne Minéral pour les 12 mois à venir, rien que pour la France. 24 se tiendront en République Tchèque/Slovaque et l'on en prévoit 23, pas moins en Belgique. Dans cet ordre de fréquence, imaginez combien il peut en exister aussi en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Italie, dans les autres pays de l'Est ou aux USA.
Je me refuse à établir un palmarès. A chacun de se faire une idée personnelle, selon ses propres motivations ou affinités.
C'est un monde à découvrir. Animé, intéressant, chaleureux qui permet des acquisitions inespérées, des contacts fructueux et, avant tout, de joyeuses retrouvailles dans l'exaltation de ceux qui partagent le même hobby.
C'est un lieu d'initiation où s'éduque l'œil, où l'esprit critique s'aiguise, où les connaissances s'affermissent.
Où voir les découvertes récentes, déposées devant soi comme par la dernière marée, où espérer aborder les grands collectionneurs, souvent si farouches, ou les spécialistes, ou les scientifiques, souvent si lointains, sinon en bourse ?
Quelques grincheux les boudent. A leurs yeux, elles ne seraient que l'étal des vanités ou la face impure de la minéralogie, viciée par l'appât du gain. Cette vision réductrice fait sourire mais, objectivement, le mouvement d'humeur s'explique.
En effet, trop de bourses ressemblent davantage à des souks qu'à des manifestations culturelles et leur multiplication, dans les petites localités, dessert la cause de la Minéralogie par la confusion qu'elle installe, dans l'esprit du public, entre la vente des minéraux et la vente d'horloges, d'œufs, de bijoux, de cendriers et de "cacailles" en pierre polie.
Le "schmuck", ainsi qu'on l'appelle, (la bijouterie de fantaisie, les objets de décoration), caricature grossière de la minéralogie, pose problème. C'est un fait !
Les grandes bourses elles-mêmes se voient contaminées : Paris, Munich où 70 % de stands, paraît-il, sacrifiaient cette année à la mode… Les organisateurs sérieux luttent contre l'envahissement en limitant celui-ci à un pourcentage précis de mètres d'exposition. Mais beaucoup l'acceptent sans conditions car il attire la foule des badauds et permet de rentabiliser l'organisation de la bourse.
Il ne reste qu'à se résigner car une exposition-vente consacrée aux seuls minéraux n'attirerait qu'un public de spécialistes, forcément limité et l'on a constaté, hélas ! que la race des collectionneurs ne se reproduit plus aussi vite qu'autrefois.
Et puis, entre nous, voudriez-vous que le beau sexe déserte nos bourses ? Nous y perdrions en beauté et en gaîté. Et, privé de colifichets, bagues, colliers, pendentifs à prix abordables, qui sait ce à quoi il rêverait ?
A la dernière bourse d'Anvers, en juin 98, dans la partie haute du Handelbeurs, je ne distinguais dans l'enfilade des tables rangée après rangée, que du "schmuck". Omniprésent, rutilant, aguicheur, en bons termes avec le fossile, surabondant lui aussi, il écrasait de toute sa superbe le pauvre minéral égaré, ébahi de se retrouver en compagnie si futile. Je me sentais un peu interloqué à mon tour. Grâce au ciel, il y avait l'atmosphère conviviale, et la bière "de Koning" qui coulait généreuse. Et je compris pourquoi chaque bourse belge avait sa cuvée, à Liège la "Ciney", à Bruxelles la "Silly", à Anvers la "de Koning", à Arlon la "Kriek"... cela rend bienveillant.
On veut me voir avouer quelles sont les bourses incontournables pour mieux ignorer les autres. Je ne céderai pas. Il ne m'appartient pas de décerner des étoiles. J'ai sélectionné les bourses qui me paraissent les plus plaisantes ou les plus intéressantes, mais à l'occasion, je ne dédaigne pas de retourner sonder les autres.
Une collection n'écarte aucune piste. Une collection ne progresse que dans la mesure où elle s'alimente à une multitude de sources. Une bourse, même classée modeste, peut offrir des surprises. La dernière récolte d'un creuseur local, l'opportunité d'un achat avantageux, les raretés d'une vieille collection. Le sceptique hausse les épaules ?
Je soutiens que le nerf d'une collection est la curiosité, une inébranlable, permanente et extravagante curiosité, qui ne néglige rien.
ERREURS SUR LA PERSONNE
La personne en question, façon de parler ! c'est la pierre. La pierre qui fascine et veut se faire passer pour ce qu'elle n'est pas. Bien sous tous rapports, semble-t-il, colorée, éclatante, exubérante, elle cache un vice, une tare, une maladie honteuse qui, très vite, trop tard, se découvrira, entre les mains de celui qu'elle aura séduit.
En clair, dans chaque bourse, il existe mille et une pierres vulnérables ou falsifiées et que seule l'expérience apprend à connaître. Le marchand, neuf fois sur dix, sait les faiblesses de sa marchandise, mais il n'est pratiquement jamais tenu de les déclarer et il ne s'y résoudra que s'il est honnête et amical.
Au départ il y a déjà ce trucage courant, menace permanente de toutes les expositions-ventes, et qui consiste à exposer les pierres sous un éclairage néochrome.
Celui-ci, facilement repérable par ses ampoules rosées, triche sur les couleurs en accentuant, en magnifiant celles-ci de façon très convaincante. Ainsi voit-on l'azurite gagner un bleu plus profond ou la calcite rose presque s'empourprer. On se croirait dans une boucherie douteuse ou dans une petite rue interlope où la fraîcheur et la carnation des viandes sont trafiquées par le néon rouge !
Tout échantillon présenté sous lampes néo-chrome doit, impérativement, montrer ses vraies couleurs dans la lumière ambiante ou, mieux encore, face au jour. Le vendeur, malgré les risques encourus, doit pouvoir le permettre. La question de l'éclairage d'une collection, hautement technique, est si déterminante pour la mise en valeur qu'il serait absurde qu'à l'achat, déjà, une pierre soit dénaturée par une couleur artificielle.
Tout échantillon, même présenté sous lampes ordinaires, gagne d'ailleurs à être inspecté à la clarté naturelle car l'éclairage intensif peut aussi avoir comme effet de camoufler des défauts. L'éclat aveuglant la brisure, l'éclat forçant une couleur cachée. Ce n'est pas pour rien que les bijoutiers exposent leurs gemmes sous des spots directionnels ultra-puissants. (un rubis sous halogène et un rubis au doigt dans la rue, c'est le jour et la nuit !)
La couleur des minéraux peut aussi se modifier d'elle-même par réaction naturelle, plus ou moins longue, à l'air et la lumière. Les minéraux qui réservent ce type de surprise sont bien connus des collectionneurs avisés, mais pas nécessairement des débutants.
La photosensibilité (sensibilité aux radiations lumineuses) a le malheur de décolorer ou d'opacifier quelques-unes des plus belles espèces minérales. Il est à craindre, presque toujours, que les minéraux tels que la proustite, le cinabre, la cuprite, la vanadinite, le réalgar, si prisés pour leur rouge vif ou profond, s'assombrissent ou changent de teinte (comme le dernier cité). Quant à la superbe vivianite au bleu-vert lumineux, elle est condamnée à devenir opaque et noirâtre.
Pis encore, sous l'action de l'humidité de l'air (la déliquescence), maintes espèces vont aller jusqu'à se désagréger. La marcasite dorée, pour ne citer quelle, se couvrira insensiblement d'une croûte blanchâtre qui, comme un chancre, l'attaquera en profondeur.
Enfin, "last but not least", il faut redouter que certains minéraux soient particulièrement solubles. La brochantite ou la chalcantite, si présentes sur nos bourses actuelles, se décomposent entièrement dans l'eau.
En conclusion, un minéral doit être bien connu, quant à ses propriétés et handicaps, afin de ne pas réserver de mauvaises surprises. Pour qu'il survive intact (ou presque !), il faut qu'il soit en mesure de résister aux attaques chimiques pernicieuses, sans oxydation, sans altération ou, alors, en dernier recours, qu'il soit conservé avec les précautions ad hoc. Dans l'obscurité ou sous cache protecteur. Voir une pièce se dégrader, c'est assister à une agonie. D'autant plus pénible que la pièce a été de qualité. Je pense à une creedite violette, complètement pâlie, ou à un minéral d'argent, peu à peu terni. La question de la fragilité des pierres et en connexité, de leur conservation, de leur maniement, de leur entretien, mériterait une exploration bien plus approfondie. Nous n'avons fait qu'effleurer le sujet. Beaucoup de choses restent encore peu connues, volontairement ou pas.
On apprend sans cesse. Je viens de me laisser dire que les jolies pallasites (météorites mixtes métal/minéral) avaient parfois un comportement bizarre, perdant leurs grains d'olivine sous l'action de l'oxydation de leur matrice de ferro-nickel. C'est un négociant qui me l'a appris. Je lui rends honneur.
RUSES A GOGO
Beaucoup sont grossières. Il ne faudrait pas les sous-estimer car elles piègent sans cesse un nouveau public d'amateurs. A force de les cataloguer "banales", "courantes", "ridicules", sans les sanctionner, à force de feindre de les ignorer, on leur confère, bon gré mal gré, une sorte de légitimité. Une légitimité inacceptable.
Je fais référence, entre autres, aux faux quartz noirs ou jaunes et aux agates colorées. Le quartz blanc laiteux noirci par la radioactivité artificielle passe pour un quartz noir ou morion. Le quartz violet (ou améthyste), brûlé au four, acquiert une teinte jaune brun grâce à laquelle il se rebaptise "citrine".
La tranche d'agate polie est teintée en rose, bleu ou vert par des traitements appropriés. Quartz noirs et quartz jaunes sont évidemment beaucoup plus rares dans la nature. Il n'y aurait qu'un demi-mal si la manipulation était signalée, mais c'est rarement le cas.
Certes, chacun a le droit d'acheter la pièce qui lui plaît, même kitch, autrement dit de mauvais goût et destinée à la consommation de masse, mais, au moins, qu'il sache qu'elle est trafiquée. Trop de vendeurs de monstres sévissent en toute impunité. Les réglementations de bourses devraient exiger que tout minéral manipulé, à l'instar de tout minéral recollé, soit étiqueté comme tel. Ainsi que les minéraux de synthèse, cela va de soi, car ceux-ci ne déclinent pas toujours leur identité, contrairement à ce qu'on pourrait croire.
Qu'on se souvienne des gros paquets rouge-brun cristallisés qui s'amassaient, tout récemment encore, sur les étals des marchands polonais et qui faisaient dire au loustic : "Vous me mettrez un kilo de caramels, s'il vous plaît !". A leur côté, on lisait parfois : "zincite". Mais sans plus, sans autre précision. Et il fallait beaucoup questionner (et si possible en polonais!!) pour apprendre que le caramel n'était que le résidu de fours métallurgiques.
A mes yeux, les minéraux de synthèse sont le danger-type. Je doute que les enfants s'informent vraiment de leur vraie nature ou qu'ils la comprennent. Et après tout si on ne lui demande rien, le marchand peut se taire, n'est-ce pas ? Il ne commet quand même qu'un tout petit mensonge : par omission !
J'ai assisté, un jour, à un tour de passe-passe mémorable qui, au fond, pourrait se résumer ainsi : "Passe-moi la monnaie ! je te refile un mauvais caillou". Cela se passait... Qu'importe ! quelque part en Belgique. Un petit garçon avait cent francs à dépenser pour le caillou de ses rêves et, bien sûr! (cela ne rate jamais), il avait pointé du doigt de terribles cristaux irisés (de bismuth ou de carborandum, je ne me rapelle plus trop bien). "Cela est-il naturel ?" s'inquiétait la mère. "Oui, oui ! répondait le vendeur d'une voix mal assurée, presque... Pas de problème !" Ne chicanons pas ! tout est "presque" naturel. Y compris la tour Eiffel, composée de fer, en grande partie.
Il serait trop simple de croire que les victimes d'arnaques ne se rencontrent que chez les enfants ou les amateurs débutants. L'ingéniosité des falsificateurs de pierres est telle que, périodiquement, des scandales éclatent, dont font les frais les collectionneurs les plus chevronnés.
Il va de soi que plus l'espèce minérale est prisée et coûteuse, plus le contrefacteur s'attache à la copier ou à la "travailler" pour l'améliorer, visant par le fait même une clientèle huppée. On ne compte plus les contrefaçons en gemmologie, mais la minéralogie est marquée, elle aussi, par des exemples retentissants: les faux ors cristallisés du Venezuela ou les anglésites du Maroc qui ne devaient leur bel orange trompeur qu'à l'eau de Javel. Une menace permanente pèse sur les échantillons très esthétiques. Sont-ils vrais ? Sont-ils sains ? Ils présentent et présenteront toujours le risque d'avoir une cristallisation traficotée. Certaines fois, c'est un ou quelques cristaux détachés qui ont pu être fixés sur une gangue nue, soit qu'ils aient été recollés après minage (comme les cristaux d'émeraudes colombiennes ou quelques gemmes diverses d'Afghanistan et du Pakistan : apatites, tourmalines, aigues-marines, topazes…), soit qu'ils aient été ajoutés tout à fait arbitrairement (comme dans les cinabres chinois). Certaines fois, c'est une plage cristalline trop pauvre (de wulfénite, de soufre, etc…) qui a pu être enrichie de cristaux supplémentaires. Le collage est le fléau des collectionneurs car l'œil le plus exercé est trop souvent impuissant à le repérer.
Seuls les UV ont quelque chance de faire apparaître le trait ou le point de colle fatidique, à condition que la pièce douteuse puisse être éclairée sous l'angle approprié. Ce qui est loin d'être toujours possible. [En fait, comme certaines nouvelles colles indétectables à la "lumière noire" sont apparues sur le marché, le procédé devient lui-même de plus en plus inopérant. Tout récemment, un lot de carrollites s'est révélé entièrement truqué après avoir passé, avec succès, l'examen à la loupe binoculaire et le contrôle UV. Les magnifiques cristaux, détachés à l'origine, avaient été repositionnés sur gangue et très habilement cimentés par une mixture de colle et de poussière de roche-mère. C'est un bain d'acétone qui leur a rendu leur liberté !]
Le collectionneur ordinaire, passant sous la loupe les petites pièces avenantes qu'il se propose d'acquérir, ne sera "heureusement" confronté qu'à des problèmes mineurs : l'un ou l'autre cristal ébréché, l'un ou l'autre cristal recollé. Que sa vigilance, en tout cas, ne soit jamais prise en défaut !
Contre le mal, contre la manipulation, il n'est aucun remède absolu. Je ne vois qu'une solide protection : le contrat de confiance, ou mieux, d'amitié, qui unit l'acheteur et le marchand-expert convaincu de la validité de ses pièces.
Ou alors... le recours à la philosophie ! En effet, qui oserait croire et affirmer qu'il n'a jamais acquis ou n'acquerra jamais de pièces truquées ? Mais, ainsi que le dit le proverbe "on ne souffre pas de ce qu'on ignore". Après tout, il y aurait plus de 100 faux Van Gogh présumés à travers le monde.
Il est des ruses particulièrement perverses. Les exemples les plus fous qu'il m'ait été donné d'observer, que dis-je ? de vivre, à mon corps défendant, remontent à un an à peine. Ils prouvent combien il faut rester sur ses gardes.
A Sainte-Marie-aux-Mines, édition 98, mon attention fut captée par un beau cristal de chalcantite de l'Oural, logé dans une géode verte, et certifié authentique. Par prudence et parce que le prix me semblait anormalement bas, je sollicitai l'avis d'un ami, très au fait en matière de fraudes. Comme moi, il ne put se prononcer, partagé entre l'admiration et le doute, ébranlé par l'assurance du vendeur. Carrément, nous allâmes consulter une sommité, un professeur du Musée Fersman de Moscou. Son verdict fut sans appel : il s'agissait d'une alliance contre nature (en réalité, le distingué professeur hésita lui aussi beaucoup avant d'émettre un avis définitif). Le faux cristal bleu avait été coincé entre divers minéraux de cuivre, naturels. J'évitai de justesse la catastrophe.
La mésaventure vécue quelques mois plus tôt, lors d'un retour au Katanga, en novembre 97, m'avait sans doute déjà un peu vacciné contre les entourloupes. Là, je m'étais laissé avoir comme un gamin en me jetant voracement sur des groupes de stalactites de malachite parfaitement imités, selon le même principe de l'union intime du vrai et du faux.
Après deux achats très onéreux, un ami, heureusement, me mit au parfum. Il avait cru en la même aubaine, lui aussi, mais tenaillé par le doute, il s'était finalement décidé à procéder à la plus drastique expertise qui soit. En cassant une pièce. Il donna donc un coup de piolet et découvrit que les fameuses stalactites (les doigts, comme on dit là-bas) n'étaient que des carottes de résine synthétique enduites d'éclats de malachite et collées sur de vrais rognons. En bon médecin légiste qui pratique l'autopsie, il avait tiré l'affaire au clair. Le cadavre était pourri.
Le simple usage de ma loupe (qui pourtant, ironie du sort ! ne me quitte jamais) eût suffi pour différencier éclats et cristaux, mais j'avais été "saisi" à vif dans la fièvre du retour aux sources et je voulais croire en ma chance.
En certains cas, quand on se trouve dans cette disposition imbécile toute particulière, quasiment de transe, plus la fraude est énorme, plus elle a de chances d'appâter l'innocent. C'est qu'elle doit le ferrer très vite en effet, tant qu'il n'est plus tout à fait lui-même.
Après coup, j'ai médité avec émotion les paroles de feu Mobutu. Il prônait "le retour à l'authenticité". J'aurais dû m'en souvenir.
De falsifications aussi élaborées, il en est bien d'autres. Au Maroc, par exemple, des géodes de quartz sont hérissées de pointes de bois collées et gainées de petits clivages de galène. Du plus bel effet! Ces montages (il y en aura toujours !) sont redoutables. Ceux qui en ont fait les frais connaissent la désillusion d'avoir payé fort cher des pièces absurdes et l'amertume d'avoir été bernés comme des nigauds.
Par chance, avec le temps, les souvenirs les plus cuisants se transforment en "bonnes blagues". Sans crâner, on finit par se vanter de ses malheurs lorsqu'ils sont... pittoresques. Une clownerie, c'est toujours à base de chutes, de claques et de-coups de pied au cul !
LA MISE EN VALEUR DES MINERAUX
La question pourrait présenter parfois certaines analogies avec ce qui précède. Par conséquent, elle mérite un rapide examen. Elle ne concerne dans notre esprit ni le trimage, ni le nettoyage par ultrasons ou produits chimiques divers, mais l'ensemble des procédés controversés utilisés pour valoriser, coûte que coûte, les minéraux nantis de défauts congénitaux, tels que la fragilité, l'enfouissement dans une roche dure ou l'opacité de surface.
"Aux grands maux, les grands remèdes !", peut-être. Mais peut-on tout permettre dans l'optique d'une sorte de chirurgie esthétique qui, pour les minéraux, inclurait le lifting, le peeling et même la prothèse ?
D'emblée, j'avouerai, quant à moi, que, dans l'ensemble, je rejoins le groupe des tolérants, de ceux qui, avec bon sens, admettent que beaucoup de pierres n'existeraient pas, n'existeraient plus, si elles n'avaient été traitées au départ.
Les quartz à inclusions (aiguilles de rutile et autres) ne révèlent leurs trésors que si leur surface ingrate a été polie. Les merveilleux échafaudages de cubes de pyrite de Logroño ne se maintiennent sur leur gangue que s'ils y ont été cimentés par la superglu. Les cristaux de boléite ne peuvent demeurer en place que si leur support rocheux a été chimiquement affermi. Les rubis, les grenats (ceux d'Autriche, véritablement "sculptés", dégagés de la gangue un à un par un long et minutieux travail de burinage et fraisage sont fort discutés), certains cristaux de stibine même n'apparaissent au jour, pour notre plus grand plaisir, que si leur prison de pierre a été dissoute par l'acide adéquat.
Certains puristes trouvent cela dérangeant ? C'est affaire de goût.
Certains estiment les pièces "travaillées" beaucoup moins attractives. C'est affaire de sensibilité.
Les Américains sont encore beaucoup plus permissifs que nous. Depuis longtemps, ils laissent toute latitude aux dealers de huiler les cristaux "touchés" ou trop ternes de leurs quartz, calcites ou barytines pour leur donner meilleure mine (l'huile ou la "baby lotion" estompant ou atténuant les cicatrices blanches, ou lustrant la matité des pièces disgraciées). Au pays du show-business, on ne concevrait pas qu'une starlette entre en scène sans quelques retouches.
Là où le bât blesse, c'est quand la préparation du minéral est si radicale qu'elle en arrive à transformer l'apparence du minéral. Par polissage mécanique intensif, par exemple. On peut considérer que certains cristaux ambrés de calcite américaine, mis en vente après avoir été polis, et sans mention de leur traitement, usurpent leur identité.
On bascule ici du naturel à l'artificiel. Le procédé appliqué à des blocs de malachite griffés ôte à ceux-ci leur statut de pièce minéralogique. Logiquement, la calcite polie devrait aussi être vue comme dénaturée et sans intérêt.
De toute façon, les techniques de mise en valeur des échantillons ne devraient pas rester connues des seuls préparateurs ou des seuls spécialistes.
C'est en toute connaissance de cause, renseigné sur la nature et la qualité exacte des spécimens offerts que l'amateur devrait pouvoir décider son achat.
De même qu'un cristal cassé et recollé (et perdant de ce fait 50 % ou plus de sa valeur) doit être vendu comme tel (air connu), de même toute pièce "arrangée" devrait être signalée comme telle, du moins verbalement, à qui veut l'acquérir, par correction.
Imaginerait-on une jeune beauté qui n'avouerait le port d'un dentier ou d'une perruque qu'au lendemain de ses noces ? Je ne dis pas qu'elle aurait perdu 50 % de sa valeur, mais elle laisserait quelque peu déconfit !
Il ne sert à rien de rêver tout haut d'une minéralogie définitivement propre, épurée enfin de toute manigance. Cependant un contrôle plus rigoureux des camelots du Royaume et de leurs dérives, quand elles sont éhontées, ne pourrait que redorer le blason de la minéralogie, trop souvent terni par les magouilles. Puissent mes conseils et mises en garde aider quand même les jeunes minéralogistes à progresser plus vite et plus sûrement sur la voie de la collection réussie ! Elle est loin d'être royale. Elle exige courage, patience et lucidité, sous la menace perpétuelle de traquenards et d'égarements. Les requins guettent. Mais qui peut craindre les obstacles du terrain ou de la bourse aux cailloux, s'il a le feu sacré ?
Cet article est paru en janvier 1999 dans le MINIBUL, bulletin de l'A.G.A.B. (Association des géologues amateurs de Belgique) de Liège en développement d'une causerie donnée au C.M.A. (Club minéralogique d'Arlon).
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