Pseudotachylite

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Pseudotachylite


Définition :

Le terme de pseudotachylite (ou pseudotachylyte) a été introduit par Shand (1916) pour qualifier des veines sombres vitreuses ou aphanitiques observées dans la Région de Parijs en Afrique du Sud. Ce nom a été donné en relation avec la ressemblance de ces objets aux tachylites, roches basaltiques vitreuses. Elles ont été décrites dans les zones d’impact météoritiques (Shand, 1916), dans les zones tectoniques (Techmer, 1992 ; Obata, 1995 ; Ueda, 2008) et en base d’avalanche de débris (Legros et al., 2000) ou de glissement de terrain (Masch, 1985).
Ces objets se forment dans les zones où le cisaillement est important, il en résulte une communition (fig.1), c'est-à-dire une réduction de la taille de grain (Spray, 1995) et/ou de la fusion par friction (Philpotts, 1964 ; Francis, 1972 ; Wenk, 1978 ; Spray, 1995 ; Lin, 2001, Kano et al., 2004) (fig.1). Leur nature à grains très fins, la présence de clastes de la roche encaissante et la dévitrification (par l’altération ou le métamorphisme) rendent complexe la compréhension des processus de formation de ces objets. On note toujours une orientation préférentielle de la pseudotachylite selon un plan particulier. Dans les roches orientées, comme les gneiss par exemple, ce plan est parallèle à la foliation.
Ces pseudotachylites sont dites de type « génération » (fig. 2a), c'est-à-dire qu'elles sont directement liées au cisaillement qui leur a donné naissance. Certaines veines sont issues des pseudotachylites de type génération (Sibson, 1975 ; Swanson, 1988). Elles peuvent migrer de leurs zones de production dans des fractures qui recoupent le plan de cisaillement principal. Ce second type de veine est dit « d'injection ». Il semble fréquent que les veines d’injection se connectent directement aux pseudotachylites de type génération subparallèles entre elles (fig.2b).
La dimension des veines est très variable, de moins de 1 millimètre à plusieurs mètres d’épaisseur, leurs aspects et textures sont fonction de cette épaisseur et de leur type. Les pseudotachylites d'épaisseurs importantes comportent des fragments de la roche hôte dont la taille peut avoisiner la puissance de la veine elle même, ces fragments sont appelés « clastes » (fig. 3e), leurs tailles varient de l'échelle décimétrique à l'échelle du minéral. Les clastes monominéraux sont souvent nommés « minéraux hérités ». La disposition des clastes semble aléatoire dans le sens ou il ne semble pas y avoir d'orientation de ceux-ci dans les veines épaisses.
Au contraire, dans les pseudotachylites de tailles centimétriques ou inférieures, on ne voit quasiment pas de clastes à l'oeil nu, par contre des textures fluidales sont soulignées par l'orientation de minéraux hérités de l'encaissant. Ces minéraux hérités sont orientés selon le plan de la veine et donc dans le sens de fluage du liquide pseudotachylitique. Les textures fluidales sont également très visibles dans les veines de type injections (fig. 3c). Ces objets sont qualifiés de « fossil earthquakes » littérallement de « tremblements de terre fossiles », car ils permettent de remonter à des informations sur des séismes anciens telles que la magnitude ou l'âge (Lin, 2008).

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Taux de fusion des pseudotachylites

La composition chimique en roche totale des veines de pseudotachylite est globalement proche de la compositon des roches encaissantes. Ceci sous-entend que la fusion dans les zones de cisaillement est plutôt une fusion totale qu'une fusion partielle (Philpotts, 1964; Ermanovics et al., 1972.; Masch et al., 1985). Les expérimentations de fusion par friction de Spray (1988) montrent également une fusion totale des roches hôtes. Comme il est impossible de séparer tous les fragments de l'encaissant des grains nouvellement formés dans la pseudotachylite, il n'est pas étonnant de retrouver des compositions en roche totale proches de celles de l'encaissant. Aussi, la similarité de composition en analyse roche totale, n'est pas une preuve de la fusion totale de la roche hôte. Les observations attestent d'importantes hétérogénéités compositionnelles au sein des veines. L'analyse de pseudotachylites de gneiss montrent que la quantité de silice est moins importante dans la veine que dans l'encaissant : Shand (1916), Sibson (1975), Ermanovics et al (1972), Lin (1991). Certains auteurs expliquent ceci en terme de fusion sélective, certains minéraux dont la température de fusion est basse (comme les micas ou les albites) fondraient préférentiellement (Scott et Drever, 1953 ; Bossière 1991). Les échantillons de pseudotachylites dont la roche hôte est une péridotite, présentent des olivines dont la composition est plus riche en calcium et chrome. Ces deux élements ont normallement un comportement très compatible (Obata, 1995). Ces observations seraient donc plus en faveur d'une fusion totale.

La composition des pseudotachylites reste toutefois contrôlée par la composition de la roche hôte. En effet, les variations de composition au sein de veines distantes de quelques centimètres sont également à mettre en relation avec les hétérogénéités des roches hôtes. Les gneiss peuvent présenter des niveaux mélanocrates et/ou leucocrates de même échelle que les veines de pseudotachylite, influençant donc naturellement leur composition. Il en va de même pour les péridotites qui peuvent présenter des filons de pyroxénites par ailleurs décrits par Obata (1995) à Balmuccia.


Température de formation

La formation des pseudotachylites est liée à l'échauffement brutal d'un plan de cisaillement. Les forces de frottement génèrent ainsi de la fusion par friction. Lorsque la veine de liquide silicaté est formée, l'action des forces de frottements devient beaucoup moins importante. La température cesse alors d'augmenter. Les températures de fusion lors de la formation de veines de pseudotachylite ont été précédemment estimées dans l'étude des microlites de Lin (1994). Les températures de fusion des pseudotachylites naturelles et expérimentales vont de 750°C à 1 400°C (Sibson, 1975, Maddock et al., 1987 ; Lin, 1991, 1994). Ces estimations sont basées sur une hypothèse d'équilibre des processus de fusion et sur la présence de certaines phases comme des polymorphes de haute température du quartz (Lin, 1991).


Profondeur de formation

Déterminer la profondeur de formation d'une pseudotachylite présente un intérêt géologique important, notamment dans la compréhension des phénomènes tectoniques. Les pseudotachylites se forment à tous les niveaux dans la croûte continentale (Sibson, 1977).

Il y a une tendance générale dans la nature des roches de faille qui sont associées aux pseudotachylites. Avec l'augmentation de la profondeur on passe des gouges, brèches et cataclasites aux protomylonites, mylonites et ultramylonites. D'après la classification de Sibson (tabl. 1) la présence ou l'absence de foliation est considérée comme cruciale dans la distinction des cataclasites (qui se forme en domaine fragile) et des mylonites (qui se forment en domaine ductile). Il faut aussi tenir en compte que le mode de déformation est lié à la cinétique, une déformation rapide dans un matériau ductile retranscrira un comportement fragile. Les textures observées ne sont donc pas déterminantes dans la discrimination de la profondeur de genèse des veines. Les estimations de profondeur de formation, tout comme les températures sont basées sur des hypothèses d'équilibre.

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État d'équilibre

Les températures atteintes lors de la formation des pseudotachylites sont estimées en considérant des conditions d'équilibre chimique. Si la fusion se déroule à l'équilibre, les minéraux vont commencer à fondre à leur température de fusion. Shimamoto et Lin (1994) ont mis en évidence au moyen d'expériences de fusion par friction que les premiers liquides formés n'avaient pas la composition attendue. Le diagramme de phase des feldspaths plagioclases (fig.4) montre que la composition des premières gouttes de liquide lors de la fusion à l'équilibre d'un solide de composition H devrait être B. Cependant le liquide a la même composition que le solide initial. De même, les expériences de fusion par friction dans le système albite-quartz (fig. 5) indique que la composition des premières gouttes de liquide lors de la fusion à l'équilibre d'un solide de composition C devrait être la composition de l'eutectique E. Les analyses de Shimamoto et Lin soulignent que sur 27 analyses ponctuelles du liquide formé 2 seulement ont la composition de l'eutectique, toutes les autres ont la composition d'une albite pure. La composition attendue du liquide si l'équilibrage était réalisé serait D. Ces deux expériences dénotent donc bien d'une fusion en déséquilibre. Les paléo-températures et paléo-profondeurs qu'ont pu estimer certains auteurs à partir des champs de stabilité des minéraux des veines sont donc sous-estimées.

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L'eau dans les pseudotachylites

Lors des mouvements de failles, l'eau joue un rôle important dans la genèse des pseudotachylites en influençant les processus de cisaillement (Francis, 1972 ; Ermanovics et al, 1972 ; Lin, 1991 ; Maddock, 1992). Il est généralement suggéré que la formation des pseudotachylites est favorisée dans les roches grenues sans interstice empêchant les circulations de fluides. En effet les fluides réduisent la contrainte au niveau du plan de faille par simple pression hydraulique (Francis, 1972 ; Sibson, 1975). La présence de fluides abaisse aussi le point de fusion des minéraux et permet la formation de liquides silicatés de plus faible viscosité (Ermanovics et al, 1972 ; Lin, 1991 ; Maddock, 1992). Les pertes au feu qui ont été réalisées par certains auteurs montrent que les veines de pseudotachylite sont globalement plus riches en eau que leur encaissant. Les quantités d'eau mesurées soulignent qu'il est impossible que toute l'eau des pseudotachylite soit dérivée des phases hydratées de l'encaissant (biotite, amphibole, etc...). Ceci suggère une pré-existance de l'eau dans les zones de génération des veines, et est aussi confirmé par Magloughlin (1992) et Techmer et al. (1992) qui ont constaté que la quantité d'eau des cristaux des pseudotachylites était environ 2 % supérieure à celle de la roche hôte. La plus grande quantité d'eau dans les veines peut aussi être expliquée par des processus d'altération/recristallisation du verre et des différentes phases minérales en présence. Les zone de cisaillement sont des discontinuités importantes dans lesquelles peuvent s'infiltrer des eaux de ruissellement. Les eaux de surfaces peuvent ainsi intéragir avec les veines de pseudotachylites et modifier leurs compositions chimiques.


Conclusion

La composition chimique des veines montre que les processus de fusion par friction dans les zones de cisaillement sont complexes. La fusion n'est pas à toujours à l'équilibre chimique et ceci peut varier au sein d'une même veine. Ce phénomène, couplé à l'hétérogénéité des roches hôtes, induit des difficultés d'estimation des conditions de formation. Ces objets sont des marqueurs tectoniques et chronologiques d'évènements paléosismiques intéressants, cependant les pseudotachylites sont aussi le siège d'importantes circulations de fluides de surface, qui vont contribuer à l'altération et à la dévitrification des verres. Les veines ne peuvent donc pas être datées sans étude pétrographique préalable. La mise en oeuvre d'expériences de fusion par certains auteurs constitue une ouverture intéressante dans la compréhension des phénomènes de fusion et de la distribution des éléments chimiques.

Rémi BORNET

Bibliographie :

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