Marignac

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Jean-Charles Galissard de Marignac (né le 24 avril 1817 à Genève , mort le 15 avril 1894 à Genève)

Le forçat de la chimie minérale

Au cours du XIXe siècle, le chercheur genevois Jean-Charles Galissard de Marignac a mesuré la masse atomique de 28 éléments chimiques. Il est également le seul Suisse à en avoir découvert deux: le gadolinium et l’ytterbium. «Sans le travail précurseur de chercheurs comme Jean-Charles Galissard de Marignac, Dimitri Mendeleïev n’aurait jamais pu concevoir son fameux tableau périodique des éléments.» Pour Alan Williams, professeur au Département de chimie minérale, analytique et appliquée de la Faculté des sciences, le chimiste genevois fait partie de ces forçats de laboratoire qui ont défriché avec beaucoup de méticulosité au cours du XIXe siècle le terrain de l’identification et de la caractérisation des différents types d’atomes existant dans la nature. Jean-Charles Galissard de Marignac est en effet le seul Suisse ayant découvert deux d’entre eux, le gadolinium (64Gd) et l’ytterbium (70Yb). Aux yeux d’Alan Williams, auteur d’un article sur son prédécesseur paru dans la revue Chimia du mois de décembre 2009, la principale contribution du chimiste réside toutefois dans son travail de longue haleine consistant à séparer et à mesurer les masses atomiques de pas moins de 28 éléments. Soit près de 40% des éléments connus à la date de sa mort en 1894. Choix surprenant

Né en 1817, Jean-Charles Galissard de Marignac est issu d’une famille genevoise dont les ancêtres protestants ont fui le Languedoc au moment de la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Il effectue ses études à l’Académie de Genève avant d’entrer en 1835 à l’Ecole polytechnique de Paris, d’où il sort premier de sa promotion. Après un passage par l’Ecole des mines et par la fabrique de porcelaine de Sèvres, il retourne au bercail en 1841, acceptant une offre de l’Académie de Genève d’occuper un poste de professeur de chimie.

Ce choix peut surprendre car le salaire proposé est modeste, son laboratoire se situe dans un sous-sol sombre et humide et il est obligé d’acheter son matériel sur ses propres fonds, même si l’équipement de l’époque est nettement moins sophistiqué qu’aujourd’hui.

Dans les années 1840, l’état des connaissances en chimie est en plein essor. La théorie atomique du physicien et chimiste britannique John Dalton vient en effet d’être acceptée par la communauté scientifique. Elle stipule que chaque élément connu (oxygène, carbone, argent, or, etc.) n’est constitué que d’un seul type d’atome. Ce dernier est indivisible et indestructible mais peut se combiner avec d’autres atomes de type différent pour former des structures plus complexes. L’un des grands enjeux pour les chimistes et les minéralogistes de l’époque est d’isoler et d’identifier le plus d’éléments possible.

Suivant le mouvement, Jean-Charles Galissard de Marignac se lance dès le début de sa carrière académique dans la mesure de masses atomiques. En 1842, son premier article estime avec une précision inédite les valeurs correspondant à l’argent, au potassium et au chlore. Il reçoit pour son travail les éloges du chimiste suédois Jöns Jacob Berzelius. Celui que l’on considérera plus tard comme l’un des fondateurs de la chimie moderne loue notamment la patience et l’intelligence avec lesquelles le chimiste genevois réalise et répète ses expériences.

Il faut dire que l’homme n’est pas considéré comme un joyeux drille. En chaire, ses exposés sont unanimement qualifiés de modèles de clarté et de précision. Mais c’est un travailleur solitaire qui n’a quasiment jamais engagé d’étudiant. Sa modestie et sa timidité l’ont poussé à refuser le poste de recteur de l’Académie et à décourager toute tentative de ses amis de le proposer pour recevoir la Légion d’honneur. Cela explique peut-être pourquoi le personnage, bien qu’internationalement connu et respecté en son temps, a eu tendance à être oublié au cours du siècle suivant. Formule chimique du quartz

Au quotidien, le travail de Jean-Charles Galissard de Marignac consiste en général à mesurer avec précision les changements de masse d’un échantillon soumis à des réactions chimiques. «Son outil de base est donc la balance analytique, précise Alan Williams. Il décrit également avec beaucoup de soin les formes des cristaux qu’il obtient, la cristallographie fournissant des indices précieux sur la composition des matériaux. C’est de cette manière qu’il a d’ailleurs réussi à montrer que la formule chimique du quartz est SiO2 – pas moins de quatre formules différentes étaient alors proposées pour ce minéral très abondant. Il a par la même occasion obtenu la valeur pour la masse atomique du silicium.»

C’est néanmoins par son travail sur les terres rares qu’il se distingue le plus. Dans les années 1870, il se lance dans l’analyse d’un échantillon de gadolinite. Il passe deux ans à isoler les constituants de ce minerai. Il est d’ailleurs l’un des premiers à utiliser la mesure de l’absorption spectrale, en collaboration avec le physicien genevois Louis Soret, pour suivre les progrès de la séparation des éléments. C’est ainsi qu’il isole de l’yttrium, de l’erbium et un composé jaune qu’il pense être du terbium. En reprenant la fraction censée ne contenir que de l’erbium, il poursuit ses manipulations et tombe finalement sur un nouvel élément qu’il appelle ytterbium.

Le nom donné à l’élément vient d’un village, Ytterby, situé sur l’île suédoise de Resarö. A cet endroit, il existe une carrière dont des minerais ont permis la découverte de quatre terres rares: l’ytterbium, l’yttrium, l’erbium et le terbium, chaque fois nommé d’après une variante phonétique du nom du village. Travail répétitif

Peu après, Jean-Charles Galissard de Marignac se met à analyser un morceau de samarskite, un minerai prélevé en Amérique du Nord. Au cours de ce travail, qu’il publie en 1880, deux ans après avoir pris sa retraite pour des raisons de santé, il découvre un deuxième élément, qu’il nomme cette fois-ci le gadolinium, en l’honneur du chimiste finnois, Johan Gadolin, découvreur de l’yttrium.

«Ces travaux de séparation sont très répétitifs et souvent le chimiste qui les effectue estime de manière plus ou moins arbitraire que le produit obtenu est suffisamment pur pour être caractérisé, précise Alan Williams. En réalité, avec les méthodes de l’époque, ce n’était que rarement le cas. Marignac a d’ailleurs reconnu que ses échantillons pouvaient contenir d’autres éléments que l’ytterbium ou que le gadolinium. Mais il n’avait plus assez de matériel pour poursuivre son travail de séparation. Il s’est avéré par la suite que l’échantillon d’ytterbium isolé par Marignac contenait en effet de petites quantités de lutécium, comme l’ont démontré trente ans plus tard les chimistes Georges Urbain et Carl Auer von Welsbach. Il n’empêche que c’est le chimiste genevois qui a conservé la paternité de la découverte de cet élément.»

Les travaux de Jean-Charles Galissard de Marignac sur les éléments chimiques ont été essentiels. C’est en 1869 que Dimitri Mendeleïev montre qu’en rangeant les éléments par ordre de masse atomique croissante, on observe une variation régulière dans les propriétés, ce qui l’amène à proposer son tableau périodique qui reste, de nos jours, la base de la chimie systématique.

Cela dit, Jean-Charles Galissard de Marignac ne s’est pas contenté d’établir des masses atomiques. Au cours de sa carrière, il s’est intéressé à d’autres domaines de la chimie, notamment la thermochimie ou la mesure des chaleurs spécifiques des solutions. On lui doit aussi la démonstration que l’ozone n’est qu’une autre forme de l’oxygène. Mais son expérience la plus spectaculaire est sans doute la répétition, avec le général Dufour, de la fameuse expérience du pendule de Foucault dans la cathédrale Saint-Pierre à Genève.


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