Histoires de volcans, des nuées ardentes, ou coulées pyroclastiques, aux ignimbrites

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Histoires de volcans,


des nuées ardentes, ou coulées pyroclastiques,


aux ignimbrites

Contribution publiée dans le Bulletin du Club de Minéralogie de Chamonix, du Mont-Blanc et des Alpes du Nord année 2002.

8 mai 1902, il y a cent ans. L’éruption de la montagne Pelée détruit la ville de Saint-Pierre, « le Paris des Antilles », et fait 28 000 victimes. Alfred Lacroix est dépêché sur les lieux ; il a quarante-cinq ans et est professeur au Muséum. Il publiera ses observations dans un ouvrage monumental : « La Montagne Pelée et ses éruptions », ouvrage qui assiéra sa réputation, en fera le père de la volcanologie française, et lui fera dire, en 1904 au moment de son élection à l’Académie française : « Je suis entré à l’Institut sous l’irrésistible poussée d’un volcan. » Il sera l’auteur, au cours de sa vie (1863 – 1948) de quelque 700 publications…
La Montagne Pelée est l’un des neuf volcans de l’arc des Petites Antilles, il est lié à la subduction de la plaque atlantique sous la plaque caraïbe. Le taux de subduction est faible, les éruptions sont donc peu fréquentes. Depuis la découverte de l’Amérique par C. Colomb, la montagne Pelée a connu 4 éruptions : celles de 1792 et 1851, étaient des éruptions phréatiques ; celles de 1902 et 1929, étaient des éruptions magmatiques. Mais si les éruptions sont rares, elles sont violentes, explosives. Cette explosivité est liée à la viscosité (due au taux de silice élevé) et à la richesse en gaz des magmas andésitiques.

On sait que Saint-Pierre fut atteinte, et rayée de la carte, par une nuée ardente, phénomène que Lacroix décrivit en détail, « avalanche de cendres, de blocs et de gaz à des températures de 200 à 900° dévalant les pentes à des centaines de kilomètres à l’heure… ». L’étude des témoignages laissés par des témoins de l’éruption de San Jorge (Açores) en 1580 et de celle du Vésuve en 1631 (4 000 morts) permet de reconnaître les méfaits de nuées ardentes ; ce terme sera initié par un témoin de l’éruption de 1808 du San Jorge, Joao Inacio Da Silveira, curé d’un village voisin du volcan, parle de « ardente nuvem » et décrit le « typhon de feu » du 17 mai et ses effets… C’est Ferdinand Fouqué, maître et beau-père de Lacroix, qui, à la suite de ses voyages de 1867 et 1868 aux Açores, où on lui avait parlé des éruptions de 1580 et 1808, introduisit le terme « nuée ardente » dans la littérature scientifique en 1873. Sur la fin du dix-neuvième siècle, Théodor Wolf, un savant naturaliste, recueillit auprès des indiens des témoignages sur les nuées ardentes émises en 1877 par le Cotopaxi, Équateur.

Premiers témoins oculaires des nuées ardentes de la Montagne Pelée, T. Anderson et J. Flett, ont bien failli ne jamais pouvoir les décrire : le soir du 9 juillet 1902, la nuée ardente qu’ils observaient s’est arrêtée à trois cents mètres de leur bateau. Les Britanniques Tempest Anderson (1846 – 1913) chirurgien et volcanologue, et John Flett (1869 – 1947) géologue, après avoir décrit l’éruption de la Soufrière de Saint-Vincent (1902, 1 500 morts) arrivent à la Montagne Pelée après le paroxysme du 8 mai…
D’octobre 1902 à mars 1903, Lacroix et son épouse observeront de nombreuses nuées ardentes à la montagne Pelée ; Lacroix photographiera celles du 16 décembre 1902 et du 25 janvier 1903. Dans le même temps, Lacroix étudie la croissance de l’aiguille de lave qui obstrue la cheminée volcanique. C’est à la suite de ses observations, en particulier à la Martinique en 1902 – 1903, puis au Vésuve en 1906, que Lacroix définit divers types d’éruptions : hawaiienne, strombolienne, péléenne, vulcanienne

L’éruption suivante, celle de 1929, sera suivie par un personnage attachant. « Franck Perret fut non seulement un génial inventeur et un volcanologue hors du commun, mais aussi un grand photographe de volcans en éruption. Ses ouvrages… sont illustrés de ses propres photographies, prises souvent au prix de risques énormes ». Au cours de l’éruption de 1929 – 1932, il photographiait les nuées ardentes depuis une cabane située à trente mètres d’elles.
Franck Perret (1867 – 1943), un ingénieur, inventeur de moteurs électriques, assistant de Thomas Edison (qui était lui-même collectionneur de minéraux), avait monté sa propre affaire, lorsque sa santé défaillante le conduisit à arrêter ses activités. Il partit pour Naples où, devenu l’ami du directeur de l’observatoire du Vésuve, Raffaele Matteucci, il assista à l’éruption du Vésuve en 1906… « À force d’observer les phénomènes éruptifs, Perret s’affirme comme un volcanologue de grande expérience ». Perret montra que les gaz sont le moteur de toute éruption volcanique, alors que le magma n’en est que le véhicule. Il inventa des instruments d’observation et fabriqua des modèles expérimentaux. Il devint un héros local à Saint-Pierre, où on lui éleva une statue…

Toujours en 1902, les nuées ardentes du Santa-Maria (Guatemala), étudiées par le géographe Karl Sapper (1866 – 1945) font 6 000 victimes. Depuis, d’autres nuées ardentes ont été étudiées, l’une d’elles, celle du volcan Unzen, Japon, le 3 juin 1991, coûta la vie au couple Krafft ; cependant la plus remarquable, et la mieux étudiée, fut celle du mont St-Helens le 18 mai 1980… Aujourd’hui on emploie volontiers le terme de « coulées pyroclastiques » pour parler des « nuées ardentes »…

« Katmai, la plus volumineuse éruption du siècle ». En 1912, le Katmai (ou du moins le Novarupta), un lointain volcan d’Alaska « explose » sans témoins, les produits (15 km3 de « ponces ») remplissent une grande vallée connue depuis comme Vallée des Dix Mille Fumées, le Katmai s’effondre, à sa place subsiste une caldera.
Ce n’est que quatre ans plus tard qu’une expédition de la National Geographic Society, dirigée par Robert Griggs atteint le site ; des chercheurs du laboratoire de géophysique du Carnegie Institute étudient les produits de l’éruption. E. Allen et E. Zies analysent les fumerolles et sublimés s’échappant du dépôt. C. Fenner qualifie le dépôt d’énorme « coulée sableuse » mise en place à haute température et grande vitesse – une gigantesque nuée ardente assez semblable à celle de la montagne Pelée dix ans plus tôt.

À quoi pourrait bien ressembler la Vallée des Dix Mille Fumées dans quelques centaines de millions d’années ? à l’Estérel actuel ! En effet que s’est-il passé au Katmai il y a 90 ans ? sous la pression énorme des gaz dissouts dans le magma, des fissures horizontales se sont ouvertes à la base du volcan, le magma libéré s’échappe brutalement (dynamisme de la bouteille de champagne) ; ce magma est très chaud, il retombe avant de s’être refroidi, et se ressoude en arrivant au sol ; c’est ce que l’on appelle une ignimbrite (ignis = feu, imber = pluie). La roche qui en résulte est une rhyolite riche en verres, en ponces et en petits quartz β bipyramidés. Une très grande quantité de magma se met en place rapidement, la chambre magmatique se vide d’un seul coup, l’édifice volcanique s’effondre sur lui-même, il ne reste qu’une caldera… c’est ce qui s’est produit dans l’Estérel à la fin du Permien

P. Bordet et H. Tazief en Alaska. En 1962, Pierre Bordet, géologue, volcanologue, poète, qui avait hanté nos massifs (alpins et méridionaux), et Haround Tazieff, qu’on ne présente plus, se rendent, cinquante ans après l’éruption, dans la Vallée des Dix-Mille Fumées ; il y a plus de quarante ans que l’endroit n’a pas reçu la visite de géologues. Voici ce qu’écrit P. Bordet :
« Voici les ignimbrites ! Elles remplissent une vallée est-ouest de 25 kilomètres de long sur de 5 large… » sur 100 à 200 mètres d’épaisseur.
« Les ignimbrites étaient, depuis les années (19)50, l’objet de discutions passionnées parmi les volcanologues. On savait, en effet, que les laves riches en silice, jusqu’à 75 %, ne fondent pas mais deviennent pâteuses vers 900°C. Elles ne coulent donc pas et devraient s’accumuler sur place. Or l’étude de terrain prouve que, dans la nature, elles ont coulé aussi bien sinon mieux que les basaltes pauvres en silice (45 à 55 % de silice) qui ont, eux, vers 1 100°C, une viscosité semblable à celle de l’huile.
Le problème avait été posé lors de ma soutenance de thèse sur l’Estérel en 1950. Le professeur Jung m’avait demandé comment j’expliquais ce fait. Je lui avais répondu que je ne l’expliquais pas, mais que je le constatais indubitablement : les laves rouges de l’Estérel étaient bien d’anciennes ignimbrites. »…
« La clef de l’énigme : … (dans) un magma saturé en gaz… brusquement décomprimé… les gaz contenus forment instantanément des bulles, comme le champagne… Il en résulte une texture à bulle, dite vésiculée, mais la rigidité des parois des bulles croit rapidement et, sous l’effet du gonflement, celles-ci éclatent. On passe donc… à un… milieu dont la phase continue est un gaz contenant des échardes de verre (les débris des bulles éclatées). Ce mélange, dont la densité et la température restent stables, peut couler aussi bien, sinon mieux, qu’un liquide, un peu comme la neige poudreuse d’une avalanche. »
«Lorsque le gaz finit par s’en échapper, les échardes de verre viennent en contact les unes avec les autres, et, comme le verre à la propriété de se souder, de « fritter », à température très inférieure à celle de la fusion, il se reconstitue une masse homogène… »

Bibliographie sommaire :
Ce texte est largement inspiré de « Les feux de la Terre », Gallimard 1991 de Maurice Krafft (1946 – 1991), d’où sont extraites une bonne part des citations entre guillemets.
Le passage sur l’ignimbrite fait référence à « Géologie », page 257, in Grande Encyclopédie des Sciences, Grange Batelière, et à « Promenades à thème géologique dans l’Estérel », de Jacqueline Roman (Serre éditeur).
Les citations du final intitulé « P. Bordet et H.Tazief en Alaska » sont tirées de l’ouvrage posthume de Pierre Bordet « Volcans et autres montagnes », éditagne – igal 2001.
On pourra également consulter : National Géographic, « 100 ans d'expéditions », hors-série 2002, pages 114 à 117 ; et National Géographic, « Explorateurs : un siècle de découvertes », DVD 2003.


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