Les Mines de Potasse d'Alsace au fil du temps

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Les Mines de Potasse d'Alsace au fil du temps


Gérard GRUNENWALD


En 1904, le trépan d'une sondeuse perfora une couche de potasse à 625 mètres de profondeur dans la plaine d'Alsace à l'Ouest de Mulhouse. La présence de sel gemme dans le sous-sol de la région avait été signalée dès 1869, au cours d'un sondage effectué par Gustave Dollfus (l'industriel mulhousien bien connu) dans sa propriété de Dornach. Ce sondage fut poussé à une profondeur de 246 mètres et le sel gemme fut rencontré, en couches minces, dans les argiles gypseuses salifères de l'Oligocène inférieur, mais on n'avait pas décelé la présence de sels de potassium. Ceux-ci seront découverts trente-cinq ans plus tard.


GÉOLOGIE

Le bassin potassique est compris dans une dépression limitée au Sud par le Jura, à l'Est par la Forêt Noire (Vosges et Forêt Noire formaient un seul massif à l'ère primaire), à l'Ouest par les Vosges, avec deux barres, l'une dans la région du Sundgau, l'autre vers le Nord de la vallée du Rhin. Le fond de ce bassin fut recouvert peu à peu par les dépôts d'eau douce de l'Éocène. Une dépression qui s'est trouvée entre les Vosges et la forêt de la Hard, dans la région de Phalsbourg, a livré passage à un bras de la mer oligocène qui couvrait alors la Belgique et une partie de la France. Notre vallée, mise en communication avec la mer par un chenal étroit, peu profond et parfois barré, est devenue ainsi un réservoir d'évaporation de l'eau salée. Il semble que la cristallisation des bancs de sel ait été interrompue à divers intervalles par des changements de niveau du sol, dont serait résulté un régime alternatif de lagunes d'eau douce et de marais salants qui ont abandonné des dépôts caractéristiques. Puis survint un nouvel affaissement suivi d'une irruption considérable d'eau de mer, déposant des sédimentations salines dont la formation fut favorisée par la température d'un climat tropical. Pendant cette période, l'afflux marin remit en dissolution les parties les plus solubles, tels que les chlorures de potassium et de magnésium, le sulfate de magnésium, les borates, les bromures, les iodures et les lithinés.

Une nouvelle communication avec la pleine mer se rétablit et les sels les plus solubles furent en partie redissous. Il se produisit alors un mélange de sel marin (NaCl) et de sylvine (KCl) dont l'association constitua la sylvinite, déposée sur une épaisseur considérable, c'est-à-dire la couche inférieure du gisement. Au-dessus de ce banc de sel, dont la formation dura environ 160 ans, vint se déposer une couche de vase protégeant les parties inférieures contre une nouvelle dissolution. Le même ordre de phénomènes a dû se produire encore une autre fois, car il se forma en l'espace d'une trentaine d'années une seconde nappe de potasse (la couche supérieure) séparée de la première par un intervalle d'une vingtaine de mètres. Enfin, il se déposa une couche puissante de sel gemme, recouverte peu à peu de dépôts insolubles, jusqu'à ce que l'affaissement de la vallée du Rhin ouvrît l'accès à la mer de l'Allemagne du Nord. A partir de cette période, il n'y eut plus de cristallisation, mais des masses d'eau considérables amenèrent des sédiments de sables et d'argiles jusqu'à la fin du Tertiaire. La sédimentation est devenue peu à peu lacustre. Au Quaternaire, des cailloutis, marnes, grès déposés par les cours d'eau d'origine vosgienne ont apporté la dernière touche au modelé du bassin.


DÉCOUVERTE

En 1904, Joseph Vogt dirigeait une fonderie spécialisée dans la fabrication de matériel de sondage, dont le siège se trouvait à Oberbruck, près de Masevaux. Au cours de ses travaux, il parvint à perfectionner son matériel et à apporter, par ses inventions, de profondes améliorations aux anciens procédés. Des recherches faites en commun le lièrent à Jean-Baptiste Grisez, brasseur à la Chapelle-sous-Rougemont, dans le territoire de Belfort, et passionné par la "baguette magique". Il s'était notamment spécialisé dans les recherches d'eau et avait acquis une certaine dextérité dans la prospection des richesses minérales. Tous deux, ayant remarqué dans la région de Bourbach, lors du creusement d'un petit puits dans un terrain appartenant à Joseph Vogt, la présence de terre noire qui laissait supposer des affleurements charbonniers, furent convaincus de la présence d'un gisement de houille dans la plaine du Rhin à quelque 600 ou 700 mètres ; d'où l'idée d'effectuer une série de sondages dans la plaine de l'Ochsenfeld. De son côté, Amélie Zürcher avait depuis de longues années le sentiment que le sous-sol des propriétés qu'elle exploitait avec son frère Albert renfermait d'importantes richesses minérales et elle avait le vif désir d'entreprendre des recherches souterraines.

Amélie Zürcher, femme de caractère, se consacrait à son frère, grand blessé de la guerre de 1870, et exploitait avec lui la ferme de Lützelhof. La terrible sécheresse de 1893 plaça Amélie et Albert devant de grandes difficultés financières pour arriver à nourrir, voire à conserver les cinquante-six têtes de bétail qui constituaient leur cheptel. Après avoir cherché en vain le moyen de relancer l'exploitation, Mademoiselle Zürcher eut brusquement la certitude, absolue mais irraisonnée, que ses terres recelaient une immense richesse sur la nature de laquelle elle était encore incapable de se prononcer.

Un hasard providentiel mit sur son chemin le sondeur spécialisé qu'était Joseph Vogt, lequel se laissa gagner par sa confiance et consentit à faire quelques fouilles. Les liens d'amitié qui unissaient Joseph Vogt à Amélie et Albert Zürcher ainsi qu'à Jean-Baptiste Grisez, et leur commune volonté de découvrir de nouvelles richesses dans le sous-sol alsacien, aboutirent à la création, le 21 mai 1904, d'une Société en participation pour la recherche de gisements de houille en Alsace qui fut transformée par la suite en Société "Bonne Espérance". Dans l'espoir de trouver du charbon sous la couche de grès, Vogt et Grisez s'étaient mis d'accord pour implanter la première tour de forage dans la forêt de Nonnenbruch, à environ 3 500 mètres au Sud du clocher de Wittelsheim, à gauche du chemin de fer entre Cernay et Lutterbach (tout près de l'église de l'actuelle cité Amélie II). Le premier coup de sonde fut donné le 11 juin 1904. Les travaux durèrent 143 jours. Le 31 octobre, le sondage s'arrêta à 1 119 mètres. Lorsque le trépan eut atteint 90 mètres de profondeur sans recueillir aucun indice de dépôt minéral, Vogt fit savoir qu'il renonçait. Amélie Zürcher le persuada si bien qu'il revint sur sa décision et descendit la sonde jusqu'à 358 mètres. Elle tomba sur une couche de chlorure de sodium, très pur, mais d'une valeur dérisoire et qui ne pourrait amortir les frais d'exploitation. Dépité, Joseph Vogt déclara qu'il allait démonter ses tours de forage. Mademoiselle Zürcher insista, supplia. Elle assura que la richesse était maintenant toute proche. L'entrepreneur fléchit et reprit les travaux. Ce n'est que lorsque le laboratoire de Strasbourg donna l'analyse d'un sel dont la couleur rose et rouge (de la sylvinite mêlée à du chlorure de sodium) avait attiré l'attention de M. Vogt, que les associés se rendirent compte que le tube carottier avait traversé d'abord à 627 mètres puis à 649 mètres de profondeur, des couches de potasse d'une excellente teneur.

Le succès était total. Mlle Zürcher, pour sa part, en ressentit une joie immense. Ni surprise, ni vaniteuse, elle dira plus tard : " l'essentiel, pour moi, c'est que la découverte soit faite et que la France en profite. Voilà ma véritable et ma plus belle récompense. "

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Joseph Voght né le 10.10.1847 à Soultz et Amelie Zurcher née le 27.08.1858 à Bolwiller

FONÇAGE DES PUITS

Encouragés par leur succès, bien qu'ils n'aient trouvé ni houille ni pétrole, les prospecteurs reconnurent la nécessité d'élargir le champ d'action de leur syndicat de forage pour poursuivre les recherches sur une base plus large et dans un domaine plus étendu. Le gisement de potasse fut délimité par plusieurs sondages: Wittelsheim II, arrêté à 712 mètres, Lutterbach I poussé jusqu'à 539 mètres et Cernay jusqu'à 700 mètres.

Quelle que fût l'importance de leur découverte, les associés ne tardèrent pas à se rendre compte du gouffre financier que représentait cette affaire. L'ensemble des travaux avait englouti plus de 400 000 marks.

Amélie Zürcher avait hypothéqué tous ses biens : les siens, ceux de son frère et de ses neveux. Joseph Vogt chercha d'abord des capitaux dans la région, puis auprès de banques parisiennes, mais sans résultat.

L'appel aux finances dans son pays n'ayant pas eu d'écho, force lui fut de se tourner vers les milieux bancaires allemands, davantage familiarisés avec l'industrie de la potasse. Les capitaux recueillis là-bas permirent de constituer, le 13 juin 1906, avec la collaboration des chercheurs de la première heure, la société minière dite " Gewerkschaft Amélie ". Cette société effectua 120 sondages, à des profondeurs variant entre 250 et 1000 mètres, dans une région comprise entre les Vosges et le Rhin et allant, du Sud au Nord, de Heimsbrunn à Ostheim. Le 22 avril 1908, la société Amélie commença le fonçage du premier puits. Les travaux avancèrent assez rapidement et l'exploitation livra son premier sel au mois de février 1910.

Dès lors, la prépondérance allemande dans l'exploitation du bassin s'affirma et Joseph Vogt ainsi que ses associés furent amenés à quitter la Société Amélie qu'ils avaient créée quatre années plus tôt. En 1911 cette société cédait toutes ses concessions à la société des " Deutsche Kaliwerke ", société par actions créée par un groupe d'exploitants des mines allemandes de potasse de Stassfurt et dont le siège était à Bernterode (Saxe). Une nouvelle fois, Joseph Vogt fit appel aux capitaux français pour poursuivre les sondages destinés à délimiter l'étendue du gisement dans sa totalité. Ses efforts furent couronnés de succès et c'est un honneur pour lui d'avoir su maintenir, grâce à sa ténacité et à sa clairvoyance, une partie importante du gisement potassique entre des mains françaises et alsaciennes. Le 6 juin 1910, avec l'appui et le concours de Louis Mercier, directeur général des Mines de Béthune, de Lucien Bailly, ancien ingénieur du corps des mines, et de plusieurs amis, dont MM. Baudry, industriel à Cernay, et Schlumberger, industriel à Mulhouse, il fonda la société par actions des Mines de Kali Sainte-Thérèse.

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Le puits Rodolphe II

Puits Rodolphe II
Cette société dont la direction fut confiée à son fils, M. Fernand Vogt, fit l'acquisition de concessions se situant sur les bans de Pulversheim, Feldkirch, Bollwiller et Ensisheim. En 1912, les cent six concessions que comprenait le bassin potassique d'Alsace étaient donc réparties à raison de vingt-huit à la Société des " mines de Kali Sainte Thérèse " et de soixante-dix-huit à la Société des " Deutsche Kaliwerke ". Cette dernière ne tarda pas à aliéner une partie des concessions contrôlées par elle, de sorte qu'au 2 août 1914, au moment de l'ouverture des hostilités entre la France et l'Allemagne, les capitaux engagés dans l'ensemble des mines de potasse se montaient à un total de 90 millions de francs : 45 % de capitaux allemands, 25 % de capitaux français et 28,5 % de capitaux d'origine alsacienne, dont 8,5 % représentaient la participation du " Land " d'Alsace-Lorraine. La situation des installations techniques (17 puits) réparties sur 20 300 hectares. Pour atteindre le gisement, dont la profondeur varie de 420 à 1 100 mètres, les puits doivent traverser une couche de graviers alluvionnaires qui contient la nappe phréatique, une couche d'argile qui isole la nappe des terrains sous-jacents, et toute l'épaisseur de ces terrains tertiaires où des venues d'eau peuvent se manifester. Or à l'époque où fut décidé le fonçage du premier puits à la mine Amélie, il n'existait en Alsace aucun ouvrage auquel il fut possible de se rapporter en la matière et les sondages préalables ne donnaient qu'une idée très relative des conditions dans lesquelles se présenterait ce premier fonçage. Parmi les méthodes utilisées dans le bassin pour creuser les puits (travaux durant de 2 à 3 ans) celles par " trousse coupante " et par " palplanches " consistaient à enfoncer comme un emporte-pièce une enceinte fermée circulaire, isolant le centre du puits des terrains environnants, jusqu'à sa pénétration dans les terrains imperméables.


MÉTHODE D'EXPLOITATION

C'est en 1910 que fut mis en exploitation le premier puits. La méthode d'exploitation était celle dite des " piliers tournés " ou des " piliers réservés ". Elle consistait à tracer en couche inférieure des galeries parallèles de 3 à 6 mètres de large, séparées par des stots (piliers) abandonnés de 5 à 7 mètres de large, et communiquant par des recoupes d'aérage tous les 10 à 25 mètres. L'abattage se faisait avec des perforatrices mécaniques actionnées par l'électricité, et à l'aide d'explosifs, mais aussi au pic, à la pioche et à la hache. La durée normale du poste était de huit heures et l'organisation du travail comprenait deux postes par vingt-quatre heures. L'avancement moyen dans un traçage variait de 3 à 5 mètres par jour. Le chargement était fait directement par pelletage à la main dans des berlines (wagonnets) de 500 à 700 litres. Le roulage était réalisé manuellement ou à l'aide de chevaux. L'inconvénient majeur de cette méthode était l'abandon de 50 à 60 % de la couche inférieure et la non-exploitation de la couche supérieure. Dés 1921, après remise en état des installations qui avait souffert de la guerre et à une époque où les Mines de potasse n'étaient ni plus ni moins modernisées que les autres mines en France, fut introduite la méthode par remblayage dite " Stossbau ", petits chantiers relativement dispersés. Le minerai était transporté en berlines depuis le chantier jusqu'à la recette du fond. Le tonnage abattu par journée de vingt-quatre heures et par mètre courant de longueur de taille n'était que de 600 kg environ en couche inférieure et de 800 kg en couche supérieure.

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Galerie de déblocage du minerai à l'aide d'un cheval tirant un train de wagonnets chargés de sel et de potasse.

Il est vrai qu'on avançait par passes de cinq mètres, à l'explosif, et on remblayait au fur et à mesure dans la passe précédente avec des schistes, des argiles et du sel gemme. Méthode onéreuse, vu les volumes très importants à remblayer (30 à 50 % du volume exploité journellement), la plupart des remblais revenant de la fabrique en surface. Comme dans toute autre mine, le problème consistait évidemment à rechercher la méthode la plus rationnelle, comportant comme règles générales la concentration des chantiers, la mécanisation et l'introduction d'un rythme judicieux dans les opérations du travail au fond. Aux mines de potasse d'Alsace, le problème entraînait des complications du fait de l'accroissement exceptionnellement rapide de l'extraction. La question de l'augmentation du débit se posait donc d'une manière impérieuse et primait même celle de l'amélioration du rendement. En 1925, la solution fut trouvée dans le remplacement du " Stossbau " par la méthode des longues tailles chassantes, équipées de couloirs oscillants, actionnés par des blocs moteurs, avec remblai partiel ou complet provenant des résidus des fabriques et des stériles du fond. La concentration des chantiers fit passer, entre 1925 et 1930, le nombre des tailles de 225 à 66. L'extraction journalière passa de 4 755 à 7 060 tonnes, la production par taille monta de 21 à 112 tonnes.

Après la crise économique mondiale, qui avait entraîné un profond ralentissement de la production, l'activité des mines reprit puis se développa jusqu'à la veille de la guerre. Tandis que les haveuses se généralisaient (11 en 1931, 99 en 1939), le remblayage était progressivement remplacé par le foudroyage du toit (éboulement provoqué), ce qui, avec les techniques de l'époque, accroissait nettement le rendement et la sécurité.

Les résultats obtenus au cours de la décennie 1930-1939 rendent compte de cette laborieuse transformation :

Nombres de tailles :
1930 : 66
1930 : 30

Production par taille/jour :
1930 : 112 tonnes
1939 : 310 tonnes

Rendement par ouvrier fond/jour :
1930 : 2.18 tonnes
1939 : 4.56 tonnes

Production journalière brute :
1930 : 5934 tonnes
1939 : 9312 tonnes

En 1939, les 4 760 ouvriers du fond ont extrait 3 386 332 tonnes de sel brut. Si l'ensemble des installations des mines ne subit, du fait des hostilités, que très peu de dégâts importants pendant la période de guerre (1939-1940), puis pendant l'occupation allemande (1940-1944), les combats de la Libération provoquent des destructions considérables aux installations d'exploitation, aux bâtiments industriels, aux maisons d'habitation, infirmeries, écoles, églises, salles de fêtes, cantines, etc. dans les cités. Ayant rétabli à la fin de 1946 leur capacité d'avant-guerre, les mines préparent un plan décennal de modernisation dont la réalisation devait permettre, par la concentration des sièges de production et par une profonde modification des méthodes d'exploitation, d'augmenter sensiblement leur production. Toutes basées sur le foudroyage du toit, les méthodes suivantes seront employées à partir de cette époque :
- chargement en taille chassante, avec chargement par raclage puissant dans les secteurs du gisement où toute l'épaisseur de la couche peut être prise en une seule tranche, ou bien lorsque le pendage est irrégulier ou " élevé "; - méthode des chambres et piliers, avec chargement par duck-bill (engin en forme de bec de canard) débitant sur voie de base équipée d'une bande de transport ou chaîne à raclettes ;
- méthode par chambres et piliers avec matériel JOY (chargeuse sur chenilles, haveuse, camion-navette, perforatrice sur pneus); cette méthode est caractérisée par l'emploi d'un matériel extrêmement moderne et n'entraîne plus que l'abandon d'une part insignifiante du gisement ;
- méthode par havage intégral, qui consiste à broyer directement toute la hauteur de la couche sur une profondeur de 0,90 mètre au moyen d'une machine spéciale pesant plusieurs dizaines de tonnes, la haveuse intégrale, qui se déplace le long du front de taille en abattant le minerai et en l'évacuant sur un convoyeur à raclettes lequel mène ce minerai jusqu'au convoyeur à bande qui l'achemine à travers les galeries vers le skip (ascenseur) de remontée. Le toit du chantier d'exploitation est, soutenu par une série de piles à vérins hydrauliques constituant le "soutènement marchant ": au fur et à mesure de l'avancement de l'exploitation, le soutènement se déplace latéralement, laissant les couches de schistes et de sel s'effondrer derrière lui. Cinquante ans après la découverte de la potasse, donc en 1954, l'extraction annuelle était de 7 228 000 tonnes de sel brut. Depuis 1961, l'extraction annuelle dépasse dix millions de tonnes.


SOUTÈNEMENT

A partir de 1924, le soutènement était assuré par des piles en bois équarri placées en quinconce et par des buttes en bois qui n'étaient autres que des troncs d'arbres écorcés sciés à la hauteur de l'ouverture de la taille et calés au toit par des coins en bois. Vers 1936 apparurent les étançons à serrage mécanique, qui remplacèrent progressivement les buttes en bois. L'invention de l'effondreur, sorte de cale métallique interposée dans les piles et qui permettait de libérer les bois de la pression du toit. Vers 1950, enfin, un pas décisif était fait vers une technique plus évoluée par la mise au point d'étançons hydrauliques. Ceux-ci sont composés d'un piston qui coulisse dans un cylindre faisant office de réservoir d'huile qu'une pompe peut mettre sous pression par l'intermédiaire d'un levier. C'était l'ancêtre du soutènement hydraulique moderne qui allait révolutionner la technique d'exploitation de la potasse, ouvrir la voie au développement du havage intégral.

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Soutènement marchant dans une taille de havage intégral.

Toutes basées sur la sécurité, les méthodes de soutènement suivantes sont employées aux mines: - le boisage anglé, est mis en place dans une voie fortement endommagée, souvent déjà rauchée, et dans laquelle on veut renforcer des chapeaux qui fléchissent. - le cintrage : la traversée de certaines zones nécessite un cadrage, c'est-à-dire la pose de cintres métalliques pour tenir les terrains. Généralement utilisé uniquement dans les travers-bancs en schiste. - le boulon d'ancrage : le percement des trous se fait à l'aide d'une foreuse électrique au diamètre indiqué. La tige munie du dispositif d'ancrage, est poussée dans le trou. Les coins mobiles, sous l'effet de la poussée sont chassés vers l'arrière, bloquant ainsi le système. Utilisé pour consolider une paroi.


PARC MACHINES

HAVEUSE JOY 10 RU
Cette machine montée sur pneus se caractérise essentiellement par le fait que son bras orientable, permet de faire des saignées dans tous les sens. Longue de 9 mètres, haute de 90 centimètres, la machine est montée sur un châssis porteur avec 4 roues à pneus dont les deux roues arrières sont directrices et les deux avants motrices. Elle se compose d'un ensemble mobile de havage formé d'une flèche qui comprend le boom et le bras qui supporte la chaîne.

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Haveuse JOY 10 RU

LE MINEUR MARIETTA
Le mineur Marietta est une machine à tracer les galeries comme les mineurs continus Joy, d'un type voisin de la conception du Borer Goodman. La vitesse minimum de havage, prévue est de 7 mètres à l'heure. La machine permet aussi le havage de galeries de section trapézoïdale. La dimension des galeries ouvertes par les machines est de 3,15 mètres de large pour une hauteur qu'on peut faire varier de 1,83 à 2,28 mètres.

LE JEFFREY
Colosse sur chenilles ne pesant pas moins de 70 tonnes… le monstre mesure 10 mètres de long. A l'avant, une tête de havage avec un tambour muni de 170 pics pour attaquer de front le massif et, sous le tambour, une table de chargement où tombe le produit abattu que des pinces repoussent sur une raclette au centre de la table. Au milieu, l'ensemble moteurs, réducteurs et pompes, d'une puissance totale de 400 kW. A l'arrière, pour le déversement de la raclette du Jeffrey, une queue de convoyeur orientable qui facilite le chargement du produit sur des camions de type shuttle-cars.

LA HAVEUSE INTÉGRALE
Énorme fraiseuse dont les tambours, munis de pics en acier au carbure de tungstène, entament le banc de minerai, la haveuse intégrale (H.I.) attaque le banc de sylvinite en progressant dans un couloir de 250 mètres de long environ, " la taille ". Parcourant 50 à 90 mètres à l'heure, la machine abat le minerai sans explosif sur près de 1 mètre de largeur et sur toute la hauteur de la couche: la H.I. à trois tambours peut " haver " des couches jusqu'à 3,20 mètres de puissance.

LE BORER GOODMAN
Fabriquée aux États-Unis, cette énorme machine est arrivée aux MDPA en août 1965 à la division Bollwiller. Cette impressionnante machine mesure 8,50 m de long et pèse 52 tonnes. Elle est alimentée par une station électrique mobile et développe une puissance de 500 chevaux. Cette machine attaque la totalité de la section de la galerie. Elle comprend trois parties : un ensemble d'abattage du minerai, un ensemble de traction et un ensemble d'évacuation du minerai. L'ensemble " abattage " se compose de deux grands rotors munis chacun de trois bras équipés de couteaux et d'éclateurs. Chaque bras est hérissé de 13 couteaux et d'un éclateur. Une chaîne de havage rectifie la section de la galerie. Au total ce sont 400 couteaux qui attaquent le massif.

LA RABOTEUSE POUR PISTES DU FOND
Il y a au fond de la mine Amélie environ 85 km de galeries ouvertes à la circulation, soit environ 35 km de " Nationales " et 50 km de voies secondaires. Or, en raison des pressions importantes régnant dans cet univers souterrain, les pistes se détériorent rapidement. Ainsi, les techniciens inventèrent une machine dite à " rabassenage " ou à " surfaçage ". Il s'agit surtout de raboter les bosses, de gratter et d'aplanir le mur (traduisez sol) qui gonfle de façon permanente. Une tête de rabassenage montée sur une haveuse universelle 15RU, rectifie les bosses ou autres aspérités comprises entre plus ou moins 30 cm, à la cadence d'environ 200 mètres par poste.

LA PERFORATRICE UNIVERSELLE JOY CD 25
La perforatrice JOY CD25 est un jumbo dont l'arbre porte-fleuret peut être orienté en tout sens. Elle est montée sur roues, alimentée par un câble électrique souple et comprend essentiellement : le châssis porteur, un ensemble mobile de foration formé d'une tourelle, d'une flèche appelée boom, d'un support pivotant et de la perforatrice proprement dite avec son arbre porte-fleuret. Une foration mécanique, rapide et précise, est à la base de l'abatage économique de minerais bien fragmentés et facilite un brochage systématique du toit. En 1956 aux MDPA, on arrive pratiquement à forer par poste (5 h 30 de présence au chantier) 120 trous de 3 mètres, ce qui correspond à un abatage de 350 tonnes de sylvinite.

LE MINEUR CONTINU PAURAT E195
La machine Paurat permet de réaliser un découpage de sections non exclusivement rectangulaires. Son programme de travail, en grande partie réservé au traçage de voie de niveau en gisement penté, implique le découpage de sections trapézoïdales. L'ensemble est monté sur un robuste châssis à deux chenilles indépendantes. L'arrière est muni d'un solide pare-chocs capable de supporter l'appui d'un camion, même chargé, dans les pentes importantes. Dimensions hors tout : Longueur : 11,74 m. - Largeur : 2,80 m. - Hauteur : 1,79 m. Masse totale en ordre de marche : 43 tonnes.

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Mineur Continu PAURAT E195

INSTALLATIONS DU JOUR

La partie visible des mines de potasse (chevalements, machines d'extraction qui assurent la descente et la remontée des skips, moulins où la sylvinite est concassée, broyée, tamisée, fabriques où le minerai subit un traitement physico-chimique, ateliers mécaniques, électriques, vestiaires, lampisteries,etc.) a pris elle aussi de l'envergure à mesure que l'exploitation au fond s'est développée et que le travail manuel a fait place à une mécanisation de plus en plus poussée. Les installations du jour ont été agrandies, concentrées et modernisées pour permettre d'accroître le rendement et d'abaisser les coûts de fonctionnement. Sur le carreau, la mécanisation des manutentions, facteur d'accroissement de la productivité, a fait l'objet d'études spéciales qui ont conduit à l'adoption de matériels adaptés aux besoins des Mines. Dans les ateliers, une concentration très importantes est intervenue. A partir du moment où la cavalerie de fond a été remplacée par des moyens de transport électriques ou mécaniques et où l'utilisation de machines s'est développée, la nécessité d'entretenir un matériel de plus en plus complexe a entraîné la multiplication des ateliers et abouti en 1954 à la création des ateliers centraux. Les fabriques de chlorure, quand à elles, ont également augmenté considérablement leur production : 37 567 tonnes de chlorure en 1918 contre 388 331 tonnes en 1930. En 1978, 11 666 549 tonnes effectives de minerai ont été extraites soit une extraction journalière de 47 352 tonnes ce qui représente pour le fond un rendement homme/poste de 21,768 tonnes.

LA SÉCURITÉ

Avec une régularité terrifiante, la mine a broyé durant un siècle des centaines de vies. Le mineur, davantage que tout autre travailleur, fut victime des forces obscures de cette nature si peu encline à se laisser dépouiller. Dans ce monde terrible et sombre, le sentiment qui prédomine est l'angoisse. Le risque d'effondrement ou la menace d'une explosion ne se font jamais totalement oublier. Même quand elle n'est pas exprimée, la peur est toujours là. De 1919 à nos jours, près de 650 vies furent ainsi abrégées, plongeant à chaque fois toute la communauté dans une consternation d'autant plus vive que chacun savait qu'il faudrait bien malgré tout continuer. Redescendre le lendemain.


LE RÔLE SOCIAL

Les Mines de potasse d'Alsace ont toujours attaché la plus grande importance à leur rôle social à l'égard du personnel de l'entreprise. Elles ont ainsi créé dans le bassin potassique les infrastructures nécessaires au développement de la vie collective, en même temps qu'elles offraient à l'ensemble de la population minière, en plus de la couverture sociale, des possibilités d'épanouissement dans les domaines essentiels que sont la santé, la culture, les activités physiques et de loisirs.
Dédaignant l'aspect coron, guidées par le souci d'assurer à chaque famille un logement agréable, les mines firent construire des maisons suffisamment espacées, entourées d'un terrain de 5 à 6 ares planté d'arbres fruitiers et où le mineur se plait à cultiver son jardin. L'aménagement des cités se complétait par de nombreux équipements collectifs : coopératives alimentaires, cantines pour le personnel, écoles, salles des fêtes, stades, églises, etc.. Ce patrimoine immobilier qui comporte également les " voies et réseaux divers ", c'est-à-dire des installations communes comme l'éclairage public, les canalisations, les rues, les trottoirs, etc. a une pérennité qui est sans commune mesure avec celle de l'exploitation minière.


BIBLIOGRAPHIE

- Bulletin de la société industrielle de Mulhouse ": Des hommes, des techniques, des entreprises ":
- Les Mines de potasse ": Au fil du temps ": de Gérard GRUNENWALD , éditeur Jérôme DO BENTZINGER"
- Gazette des mines et potasse magazine - Photos MDPA.

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Livre de Gérard Grunenwald présenté par l'Association des Amis de la Terre.

LES MINES DE POTASSE D'ALSACE AU FIL DU TEMPS isbn 2 84629 000 0 format 20 x 28,7 cm - broché - 88 pages en noir et blanc et en couleur au prix de 20 euros.

Travail de recherche et mise en page : Gérard GRUNENWALD, pour l'Association "Les amis des Sciences de la Terre"


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